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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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nul ici ne connaissait son immense fortune, aussi le sous-bailli, Albert de Clairemontaine, et son premier secrétaire, un rondouillet mais agaçant Benoît Lambert, qui s’agitait sans cesse tel une poule ayant trouvé un couteau, l’avaient cajolé, supplié afin qu’il accepte de leur accorder faveur. Ils avaient doublé son salaire à tâche, qui s’ajoutait au setier 9 de blé offert à Noël, aux sept aunes* de drap de Pâques, et autres avantages dont double havage. Hardouin avait fini par accepter, insistant sur le fait que dès que l’aîné de Tue-Chien, âgé de dix ans, pourrait reprendre la charge de feu son père, dans quatre ans 10 , il mettrait terme à ce transitoire service. Benoît Lambert, se tordant les mains de désespoir, avait tenté de l’amadouer.
    — Enfin, messire exécuteur ! Vous le savez, même sa mère, la bourrelle, affirme qu’il n’a point main assurée. Vous rendez-vous compte ? Un coup de hache qui rate un col amuse la foule dans le cas d’un odieux faquin, vaurien, meurtrier… en revanche, nous courons à l’indignation si la condamnée est une mignonne éplorée !
    — Si elle a été condamnée à la décapitation par la hache, elle était sans nul doute coupable, avait argumenté Hardouin, amusé.
    — Certes, certes… mais si elle a frais minois, pleure, supplie qu’on lui accorde le pardon… énorme différence, croyez-m’en, d’avec un gredin qui dégueule des obscénités et des injures. Enfin, la populace se conduit à la manière d’une girouette, vous le savez mieux que moi ! Non, nous avons impérativement besoin d’une belle main telle la vôtre, réputée dans tout le royaume et même au-delà des frontières puisque vous officiâtes en royaume d’Espagne et d’Italie 11 .
    — Il existe de belles lames dans d’autres comtés, avait ironisé Hardouin, bien certain qu’ils s’étaient démenés afin de les faire accourir en leur ville.
    — Certes, certes, pas aussi prestigieuse que la vôtre, toutefois, avait argumenté le sous-secrétaire avant d’admettre piteusement : d’autant qu’elles n’ont pas répondu à nos pressantes missives. Une pitié, quand on y songe, assez scandaleux même. Nombre de vos cousins issus de germain 12 se sont enrichis et rechignent maintenant à la besogne de leur charge !
    — Que me dites ? Bien piètre gratitude de leur part, en vérité ! avait rétorqué Hardouin, feignant si bien l’outrage que le sous-secrétaire n’avait pas perçu la moquerie et s’était empressé d’opiner du bonnet.

    M. Justice de Mortagne retrouva son jeune valet à l’auberge. Timide, ne sachant trop quelle contenance adopter, l’adolescent n’avait rien osé commander. Cadet-Venelle lui en fit le gentil reproche, à quoi le garçon répliqua :
    — Messire, je ne savais pas si un gobelet de sidre 13 ne serait point trop dispendieux.
    Hardouin songea à nouveau qu’il parlait bien, sans doute grâce à sa mère, une veuve de petits moyens qui s’était attachée à ce que son fils unique sut lire et écrire, à l’excellente raison qu’il parviendrait ainsi à trouver un emploi d’écritures ou de comptes. L’argent se faisant rare, Célestin, qu’aucune ferme n’aurait employé puisqu’il était légèrement bossu 14 , avait accepté de devenir le valet du bourreau. Sans doute cet épisodique emploi ne le remplissait-il pas d’aise, mais il avait le bon goût de ne le pas mentionner. L’éclat injurieux de la jeune Clotilde traversa l’esprit de M. de Mortagne. Pas même la reconnaissance du ventre en cette époque où les enfants ou encore presque enfants mouraient de faim ou de maladies par milliers. Bah, aucune importance. Au diable, cette fille !
    Hardouin, sensible au sort d’exclu réservé au garçon s’il restait associé trop longtemps au bourreau, avait décidé de le congédier dans quelques mois, en lui offrant un petit pécule bien mérité qui l’aiderait ainsi que sa mère.
    — Un ou deux gobelets de sidre ne te feront pas de mal, au contraire. En revanche, évite le vin qui monte à la tête, trouble le jugement et fait trembler la main. Restaurons-nous avant d’aller nous informer de notre tâche du jour.
    — Messire Justice… Euh… bien effronté vous m’allez juger… Je… Enfin… vous êtes homme d’honneur et de bonté, en plus d’être érudit, j’en suis témoin… Comment… enfin…
    Comprenant la question qu’il n’osait pas formuler, Hardouin

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