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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Cabassus. Celui-ci qui, tout le temps qu’avait
duré la cérémonie de sa dégradation, était resté serein, composé et
merveilleusement ferme, ne broncha pas davantage à être livré au bras séculier,
comprenant pourtant fort bien ce que cela voulait dire. Cossolat le prenant par
le bras sans qu’il opposât la moindre résistance, le conduisit au bas des
marches, où le populaire, de calme qu’il avait été jusque-là, devenant tout
soudain enragé, se rua sur lui en hurlant : « Tue l’athée !
Tue ! »
    Cossolat cria un ordre aux archers
qui, inclinant leurs piques à l’horizontale et les empoignant des deux mains,
en usèrent comme de barrière pour refouler ces sanguinaires marauds. Et courant
avec Cabassus au milieu des deux haies formées par ses soldats, Cossolat l’épée
à la main, gagna un chariot qu’il avait pris soin de poster à vingt toises de
l’estrade, et bien lui en prit, car à peine y était-il monté avec Cabassus, que
des badauds, ou soi-disant tels (car ce tumulte paraissait avoir été préparé en
sous-main) se pressèrent contre les roues du chariot pour tâcher de le
renverser, criant « Tue l’athée ! Tue le huguenot ! Tue ! »
Mais Cossolat se penchant du haut du chariot et distribuant des coups du plat
de son épée (et aussi quelque peu de la pointe, à ce que je vis), hurla un
commandement et un fort groupe d’archers qu’il avait caché rue de la
Barrelerie, apparut à la rescousse du premier, et prenant ces gueux à revers et
les piquant au cul, eut tôt fait de les disperser. Voyant quoi Cossolat, criant
à son sergent de fouetter les chevaux, enleva au galop son prisonnier comme si
la vie d’y celui qui était pourtant si précaire, lui parût aussi précieuse que
la sienne. Cependant la populace, à qui ses deux proies échappaient, continuait
à gronder. Les deux groupes d’archers joignant alors leurs forces, sous l’ordre
d’un lieutenant, chargèrent la multitude sans rien ménager, étant fort dépit et
courroucés qu’on eût si traîtreusement attaqué leur capitaine sous couleur de
déchirer Cabassus.
    Quand enfin les soldats se
retirèrent, une douzaine de ces gueux gisaient sanglants sur le pavé. On nous
les amena à l’apothicairerie pour les panser. Et nous découvrîmes qu’ils
étaient, non pas des Montpelliérains, mais des laboureurs des villages voisins
(le plat pays étant tout catholique à la différence de la ville) lesquels
d’acharnés papistes, excitant leur zèle, avaient fait venir tout exprès de
leurs mas pour provoquer cette émotion. J’entends les papistes souterrains dont
m’avait parlé Cossolat, et non pas l’Évêque, qui si peu qu’il aimât le
huguenot, paraissait fort troublé et marri d’être mêlé à de si damnables excès.
    Après avoir aidé Maître Sanche et
Fogacer à laver à l’esprit-de-vin les plaies de ces malheureux – victimes
de la haine qu’on leur avait contre nous inculquée –, je regagnai ma
chambre où Fogacer incontinent me rejoignit et me dit, arquant son noir
sourcil :
    — Voilà qui est clair. Par le
moyen de ce pauvre fol d’athée, on vise les huguenots. Ne bougez point d’ici et
tenez votre cheval tout sellé. On va mettre Cabassus à la question avec un zèle
atroce. Tout le Présidial sera là. Et si comme je le crains, Cabassus vous
nomme, j’accours et vous le dis.
    J’eus à peine le temps de lui dire
merci : il était parti déjà. Je tâchai de me remettre à mon labour, mais
je ne pus : j’avais les oreilles comme bourdonnantes des hurlades
qu’allait pousser Cabassus sous la torture. Je me jetai alors sur ma couche, et
pour la première fois depuis que ma vaillance était revenue, je versai des
larmes, qui furent toutefois loin de m’amollir, puisque ce n’était point sur
moi que je les répandais.
    Cependant, au bout d’un moment, il
me vint à l’esprit d’envoyer Miroul quérir Carajac et Merdanson, pensant que
nous serions plus avisés – le cas échéant – d’être ensemble tous
trois, et armés, pour cheminer de l’apothicairerie à l’hôtel de Joyeuse, car
les mêmes gens qui venaient de tendre à Cossolat cet odieux traquenard pouvaient
bien, nos noms connus, préparer un guet-apens de leur façon, pour devancer le
cours de la justice.
    Carajac et Merdanson, qui avaient
fait quelque toilette, arrivèrent en mon logis par des voies séparées, et
parurent fort soulagés, et d’être en ma compagnie en cette extrémité,

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