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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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promptement. Combien que mon père fût déchiré par la mise hors
la loi des Réformés, il n’a pas voulu prendre les armes contre notre souverain,
ayant si bien servi son père sous Calais et son grand-père à Cérisoles, et leur
devant à l’un et à l’autre son anoblissement.
    — Monsieur votre père a fort
bien agi, dit M. de Joyeuse. Monsieur de Siorac, poursuivit-il, je suis Baron
d’Arques, ma baronnie s’étend sur pechs et combes dans les Corbières entre
Mouthoumet et Couiza, dont ce valet que vous voyez est originaire. Je vous sais
un gré infini d’avoir déconfit quelques-uns des caïmans qui ravagent ce pays.
C’est grande pitié que je ne puisse aller moi-même châtier ces coquins. Mais
hélas, je ne le peux, ayant tant à faire à Montpellier, à tâcher d’accommoder
les catholiques et les huguenots, lesquels, emportés par leur zèle, se font des
chicanes à l’infini, s’entr’égratignent comme matous, et iraient même à se
massacrer si je laissais faire. Monsieur de Siorac, croyez-moi, ne vous mêlez
point à ces émotions.
    Ha, pensai-je, voilà qui devient
clair. Cossolat m’avait bien prévenu : On me sonde, et on m’avertit.
    — Monsieur le Vicomte, dis-je
avec gravité mais en lui donnant dans l’œil une œillade franche et droite, je
suis venu céans pour étudier la médecine et non pour remuer. Ce n’est ni mon
humeur ni mon inclination. Je suis cadet, et combien que d’aucuns tiennent la
médecine comme un état indigne d’un gentilhomme, j’ai ma fortune à faire, et
mon ferme et constant propos est de la faire par l’étude et non par la
rébellion.
    — J’entends bien, dit M. de
Joyeuse qui fixait sur moi tandis que je parlais le regard le plus pénétrant.
Il vous reste toutefois à expliquer une circonstance qui ne laisse pas de
m’intriguer. Ce Caudebec dont vous parlez est arrivé hier en Montpellier. Il
loge en l’auberge des Trois-Rois. Et il vous fait grand et public grief
de l’avoir vilainement trompé, vous étant fait passer à ses yeux pour
catholique, allant, dit-il, pour le duper, jusqu’à vous confesser.
    À ceci, je sourcillai fort et je dis
non sans passion :
    — Je n’ai pas dupé ce
gentilhomme. Je l’ai servi en qualité de truchement et sans rétribution aucune
pendant quinze jours. À mon propre péril, je lui ai épargné, comme je l’ai dit,
dans les monts des Corbières un combat, où plus d’un de sa troupe et peut-être
lui-même eût subi mal de mort ou navrure. Si je me suis confessé à un de ses
moines, ce fut ruse de guerre pour protéger ma vie, car M. de Caudebec, dans
son zèle fanatique, m’avait menacé de me passer son épée à travers le foie s’il
apprenait que j’étais hérétique.
    — Peux-je parler, monsieur le
Vicomte ? dit alors Cossolat.
    — Vous le pouvez, mon cher
Cossolat, dit M. de Joyeuse qui toujours lui donnait du « cher »,
mais sans jamais le faire asseoir.
    — M. le Vicomte, sur le bruit
que M. de Caudebec, apprenant, à son arrivée ici, la religion de M. de Siorac,
se répandait contre lui en menaces de sang et en paroles sales et fâcheuses, je
m’en fus hier à l’auberge des Trois-Rois, et j’ai vu un à un ces pèlerins
normands ; ils confirment le récit que nous venons d’ouïr.
    — Les avez-vous interrogés
tous ?
    — Tous, hors les garces et les
moines.
    — Et pourquoi les
excepter ? dit M. de Joyeuse en levant le sourcil.
    — Celles-là parce qu’elles
aimaient trop notre héros, et ceux-ci, parce qu’ils ne l’aimaient pas assez.
    — Ha, mon cher Cossolat, dit M.
de Joyeuse, il ne vous suffit pas d’être bon capitaine ! Vous avez aussi
de l’esprit ! Et il vous en faudra, poursuivit-il, pour arranger cette
affaire-ci et proprement l’étouffer dans l’œuf avant que poules n’en sortent et
caquettent et se becquettent, faisant voler plumes et sang. Car si ce Caudebec,
qui me paraît fort excité, me tue ou me navre M. de Siorac, les huguenots
voudront se revancher sur les pèlerins, les catholiques voleront au secours de
ceux-ci, et sur cette querelle de néant naîtra un tumulte dont on ne sait où il
s’arrêtera. M. de Siorac, ajouta-t-il en se tournant vers moi d’un air fort
civil, s’il vous agrée de suivre mes avis, j’oserais vous conseiller de vous
rendre incontinent aux Trois-Rois et d’abaisser les cornes à ce taureau
normand.
    — Mais c’est que je ne suis pas
armé !
    — Aussi ne devez-vous pas
l’être,

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