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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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apprenti !
    Je ris aussi, mais sans faire plus
que rire, et sans m’aigrir, persuadé que j’étais que l’intérêt de mon Samson
allait de pair avec celui de Maître Sanche, lequel jusque-là je n’avais pas
aperçu.
    — Mais, dis-je, le
dimanche ?
    — Ha ! dit Fogacer. Triste
et pénible jour que celui où les marranes doivent tant sacrifier à leur
carapace ! À l’exception de Luc, qui va au temple où vous l’allez
rencontrer, Maître Sanche, accompagné des siens, se rend en grande pompe à
Notre-Dame des Tables, où tout un banc lui est acquis. Et là, tenant en main un
missel romain dont les abominations lui doivent brûler les doigts, et la
paupière close pour ne point voir les statues, les crucifix, les peintures, les
vitraux et autres damnables idoles, il prie en son for le Dieu de Moïse de lui
pardonner d’être là.
    Comme je restai silencieux, tout
saisi de ce tableau, Fogacer dit :
    — Eh bien, qu’en pensez-vous ?
Blâmez-vous les marranes de ces dissimulations ?
    — Nenni, dis-je, elles sont
filles de contrainte et de tyrannie.
    Car bien je me ramentevais le culte
clandestin de Marie auquel Barberine et la Maligou se livraient dans le grenier
de notre repaire huguenot : tant il est vrai que conversion par peur et
menace n’est que forcement de conscience et de nul profit pour personne.
J’ajoutai :
    — Si j’étais menacé du bûcher,
j’en ferais tout autant.
    Fogacer sourit.
    — Pour moi, dit-il en levant
son sourcil diabolique, ce conditionnel est de trop : j’en fais autant. Et
cela me coûte fort peu. Oyez, Siorac, à quoi se borne ma praxis : je me
confesse et je communie une fois l’an. Je vais à messe le dimanche. Je me
signe, aux carrefours, devant les croix. Je me découvre quand passent les
processions. Si l’on veut, je m’agenouille. Bref, j’ai, moi aussi, ma carapace.
Là où je diffère des marranes…
    Et comme, souriant de son sinueux
sourire, il laissait sa phrase en suspens, je dis :
    — Eh bien ?
    — C’est que dessous ma carapace,
il n’y a rien.
    Et c’est ainsi que je sus que le
Bachelier Fogacer était sceptique en théologie comme en philosophie, et ne
croyait qu’à la médecine, et encore, comme je m’en aperçus, avec fort peu de
fiance en certaines de ses parties.
    Me souvenant alors que je devais
aller quérir Samson, je pris congé de lui et il me dit :
    — Emmenez Miroul, armez-vous
l’un et l’autre, et marchez, l’épée nue, au milieu de la rue, un pistolet à la
ceinture.
    Puis me prenant par le bras et le
serrant, il me dit à l’oreille :
    — Thomassina bona mulier est,
et formosa et sana. Bene, bene [35] .
    Hé, quoi ! Pensai-je. Toute la
ville le sait ! Mais sanguienne ! Peu me chaut ! Et essoufflant
Miroul, je courais par les rues et ruelles comme étalon au pré, tant j’avais
hâte de retrouver ma bonne hôtesse. Et combien que je sois encore à l’heure où
à Paris j’écris ceci, tant vert et vigoureux que l’était mon père à l’âge que
me voilà, je doute que je pourrais bondir sur ce pavé si longtemps et si vite
comme je le fis cette nuit-là en la fleur de mes quinze ans, l’épée au poing,
dans la suavité du soir, et me sentant impérissable. Ha ! Languedoc
bien-aimé, qui tant me manque en mon exil doré ! Ha ! Douceur de
vivre en Montpellier ! Ha ! Thomassine !
     

CHAPITRE VI
    La Fontanette l’avait bien dit :
je ne pus, tout le samedi, labourer sur l ’Organon, tant la chaleur du
feu m’étouffait les esprits, combien que ma fenêtre fût ouverte. Par bonheur,
Samson fut retenu tout le jour par le tendre licol des bras que vous savez, et
j’eus la disposition de sa chambrette, visité là à tout le moins une fois
l’heure par Fontanette qui voletait autour de moi comme papillon autour d’un
caléou, car céans on dit «  caléou  » et non «  calel  »,
comme dans notre Périgord. Son œil noir, vif et luisant, elle s’inquiétait
« si j’étais bien et de quoi j’avais besoin ». « Mais, de toi,
Fontanette ! » disais-je. « Fi donc, mon noble moussu !
C’est mal parler, cela ! » disait la bravette fille qui, cependant,
eût été bien marrie si j’avais parlé autrement. Et tantôt, tirant vers moi, me
permettait quelques poutounes, et tantôt, s’éloignant, me les refusait, selon
que son penchant l’emportait, ou son vouloir, mais celui-là fort chancelant à
ce qu’il m’apparut.
    Samson ne revint que le soir, rêveux
et

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