En Route
qu'il débute. Au moment où vous le formulez devant le prêtre, il se dissout ; c'est une sorte de mirage qu'un mot efface.
Vous m' objecterez, continua le moine, après un silence, qu'il est très mortifiant d'avouer des chimères qui sont, la plupart du temps, absurdes ; mais c'est bien pour cela que le démon vous suggère presque toujours moins des arguties que des sottises. Il vous appréhende ainsi, par la vanité, par la fausse honte.
Le moine se tut encore, puis il continua :
- Le scrupule non traité, le scrupule non guéri mène au découragement, qui est la pire des tentations, car, dans les autres, Satan n'attaque qu'une vertu en particulier et il se montre, tandis que, dans celle-là, il les attaque toutes en même temps et il se cache.
Et cela est si vrai que si vous êtes séduit par la concupiscence, par l'amour de l'argent, par l'orgueil, vous pouvez, en vous examinant, vous rendre compte de la nature de la tentation qui vous épuise ; dans le découragement, au contraire, votre entendement est obscurci à un tel degré que vous ne soupçonnez même pas que cet état, dans lequel vous croupissez, n'est qu'une manoeuvre diabolique qu'il faut combattre ; et vous lâchez tout, vous livrez même la seule arme qui pouvait vous sauver, la prière, dont le démon vous détourne ainsi que d'une chose vaine.
N'hésitez donc jamais à couper le mal dans sa racine, à soigner le scrupule aussitôt qu'il naît.
Maintenant, dites-moi, vous n'avez pas autre chose à confesser ?
- Non, si ce n'est l'indésir de l'Eucharistie, la langueur dans laquelle maintenant je fonds.
- Il y a de la fatigue dans votre cas, car l'on n'endure pas impunément un pareil choc ; ne vous inquiétez pas de cela - ayez confiance - ne prétendez point vous présenter devant Dieu, tiré à quatre épingles ; allez 1 à lui, simplement, naturellement, en négligé même, tel que vous êtes ; n'oubliez pas que si vous êtes un serviteur, vous êtes aussi un fils ; ayez bon courage, Notre-Seigneur va dissiper tous ces cauchemars.
Et lorsqu'il eut reçu l'absolution, Durtal descendit à l'église, pour attendre l'heure de la messe.
Et quand le moment de la communion fut venu, il suivit M. Bruno derrière les convers ; tous étaient agenouillés sur les dalles et, les uns après les autres, ils se relevaient pour échanger le baiser de paix, et gagner l'autel.
Tout en se répétant les conseils du père Maximin, tout en s'exhortant à l'abandon, Durtal ne pouvait s'empêcher de penser, en voyant tous ces moines aborder la table : ce que le seigneur va trouver un changement lorsque je m'avancerai à mon tour ; après être descendu dans les sanctuaires, il va être réduit à visiter les bouges. Et sincèrement, humblement, il le plaignit.
Et il éprouva, comme la première fois qu'il s'était approché du pacifiant mystère, une sensation d'étouffement, de coeur gros, lorsqu'il fut retourné à sa place. Il quitta, aussitôt la messe terminée, la chapelle et s'échappa dans le parc.
Alors, doucement, sans effets sensibles, le sacrement agit ; le Christ ouvrit, peu à peu, ce logis fermé et l'aéra ; le jour entra à flots chez Durtal. Des fenêtres de ses sens qui plongeaient jusqu'alors sur il ne savait quel puisard, sur quel enclos humide et noyé d'ombre, il contempla subitement, dans une trouée de lumière, la fuite à perte de vue du ciel.
Sa vision de la nature se modifia ; les ambiances se transformèrent ; ce brouillard de tristesse qui les voilait s'évanouit ; l'éclairage soudain de son âme se répercuta sur les alentours.
Il eut cette sensation de dilatement, de joie presque enfantine du malade qui opère sa première sortie, du convalescent qui, après avoir traîné dans une chambre met enfin le pied dehors ; tout se rajeunit. Ces allées, ces bois qu'il avait tant parcourus, qu'il commençait à connaître, à tous leurs détours, dans tous leurs coins, lui apparurent sous un autre aspect. Une allégresse contenue, une douceur recueillie émanaient de ce site qui lui paraissait, au lieu de s'étendre ainsi qu'autrefois, se rapprocher, se rassembler autour du crucifix, se tourner, attentif, vers la liquide croix.
Les arbres bruissaient, tremblants, dans un souffle de prières, s'inclinaient devant le Christ qui ne tordait plus ses bras douloureux dans le miroir de l'étang, mais qui étreignait ces eaux, les éployait contre lui, en les bénissant.
Et elles-mêmes différaient ; leur encre
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