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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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l'on exhumerait ses fondements, l'on déterrerait ses causes ; l'on découvrirait certainement qu'à mesure que les couvents s'effondraient, des excès monstrueux prenaient naissance. Qui sait si les folies démoniaques d'un Carrier ou d'un Marat ne concordent point avec la mort d'une abbaye dont la sainteté préservait, depuis des années, la France ?
    - Pour être juste, répondit l'abbé, il convient de dire que la révolution n'a détruit que des ruines. Le régime de la commende avait fini par sataniser les monastères. Ce sont eux, hélas ! Qui, par le relâchement de leurs moeurs, ont fait pencher la balance et attiré sur ce pays la foudre.
    La Terreur n'a été qu'une conséquence de leur impiété. Dieu, que rien ne retenait plus, a laissé faire.
    - Oui, mais comment convaincre maintenant de la nécessité des compensations un monde qui divague dans des accès continus de gain ; comment le persuader qu'il serait urgent, pour conjurer de nouvelles crises, d'abriter les villes derrière les redoutes sacrées des cloîtres ?
    Après le siège de 1870, prudemment, l'on enveloppa Paris dans un immense réseau d'infranchissables forts ; mais ne serait-il pas indispensable aussi de l'entourer d'une ceinture de prières, de bastionner ses alentours de maisons conventuelles, d'édifier, partout, dans sa banlieue, des monastères de clarisses, de Carmélites, de Bénédictines du saint-sacrement, des monastères qui seraient, en quelque sorte, de puissantes citadelles destinées à arrêter la marche en avant des armées du mal ?
    - Certes, les villes auraient grand besoin d'être garanties des invasions infernales par un cordon sanitaire d'ordres… mais, voyons, monsieur, je ne veux point vous priver d'un repos utile ; je vous joindrai, demain, avant que vous ne quittiez notre solitude ; je tiens cependant à vous affirmer dès maintenant que vous ne comptez ici que des amis et que vous y serez toujours le bienvenu. J'espère que, de votre côté, vous ne garderez pas un mauvais souvenir de notre pauvre hospitalité et que vous nous le prouverez, en revenant nous voir.
    Ils étaient arrivés, tout en bavardant, devant l'hôtellerie.
    Le père serra les mains de Durtal, et il gravit lentement le perron, balayant de sa robe la poussière argentée des marches, montant, tout blanc, dans un rayon de lune.
    q

Chapitre 9
    D urtal voulut, aussitôt après la messe, visiter, une dernière fois, ces bois qu'il avait, tour à tour, si languissamment et si violemment battus. Il se promena d'abord dans la vieille allée de ces tilleuls dont les pâles émanations étaient vraiment pour son esprit ce que leurs feuilles infusées sont pour le corps, une sorte de panacée très faible, de sédatif bénin, très doux.
    Puis il s'assit à leur ombre, sur un banc de pierre. En se penchant un peu, par les trous agités des branches, il apercevait la façade solennelle de l'abbaye, et, vis-à-vis d'elle, séparée par le potager, la gigantesque croix debout, devant ce plan liquide d'une basilique que simulait l'étang.
    Il se leva, s'approcha de cette croix d'eau dont le ciel bleuissait le jus de chique et il contemplait le grand Christ de marbre blanc qui dominait toute la Trappe, semblait se dresser, en face d'elle, comme un rappel permanent des voeux de souffrances qu'il avait acceptés et qu'il se réservait de changer, à la longue, en joies.
    Le fait est, se dit Durtal qui repensait à ces aveux contradictoires des moines, confessant qu'ils menaient, à la fois la vie la plus attrayante et la plus atroce, le fait est que le bon Dieu les dupe. Ils atteignent ici-bas le paradis en y cherchant l'enfer ; quelle étrange existence, j'ai moi-même égouttée dans ce cloître, reprit-il, car j'y ai été, presque en même temps, et très malheureux et très heureux ; et maintenant je sens bien le mirage qui déjà commence ; avant deux jours, le souvenir des chagrins qui furent cependant, si je les recense avec soin, très supérieurs aux liesses, aura disparu et je ne me rappellerai plus que les témulences intérieures à la chapelle, que les vols délicieux, le matin, dans les sentiers du parc.
    Ce que je regretterai la geôle en plein air de ce couvent ! - c'est curieux, je m'y découvre attaché par d'obscurs liens ; il me remonte, lorsque je suis dans ma cellule, je ne sais quelles souvenances de famille ancienne. Je me suis aussitôt retrouvé chez moi, dans un lieu que je n'avais jamais vu ; j'ai reconnu, dès

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