Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
les Tontos à Fort Apache, sur la réserve de White Mountain. À cette époque, Crook préférait utiliser ses chefs soldats plutôt que des civils comme agents des réserves. Ils forçaient les Apaches à porter des plaques d’identification métalliques, comme des chiens. Celles-ci étant numérotées, une fuite, ne serait-ce que de quelques jours, ne pouvait passer inaperçue. Delshay et ses compagnons pleurèrent amèrement la perte de leurs montagnes aux pentes boisées et aux sommets enneigés. Sur la réserve, tout – nourriture, outils – manquait, et ils ne s’entendaient pas avec les Coyoteros, qui les considéraient comme des intrus. Mais le plus grand malheur pour eux, ce fut l’impossibilité de se déplacer librement dans le pays.
Enfin, en juillet 1873, la Lune-où-tout-mûrit, Delshay en eut assez d’être enfermé à White Mountain. Une nuit, il prit la poudre d’escampette à la tête de son peuple. Afin de ne pas être traqué par les Tuniques Bleues, il décida de gagner la réserve du Rio Verde, dont l’agent, un civil, lui promit que les Tontos pourraient rester à condition de ne pas lui attirer d’ennuis. S’ils se sauvaient à nouveau, ils seraient poursuivis et tués. Ainsi, Delshay et son peuple se mirent à construire une rancheria au bord de la rivière près de Camp Verde.
Cet été-là, il y eut à l’agence de San Carlos un soulèvement au cours duquel un petit chef soldat, le lieutenant Jacob Almy, fut tué. Les Apaches s’enfuirent dans plusieurs directions. Ceux qui gagnèrent le Rio Verde installèrent leur campement près de la rancheria de Delshay. Apprenant la nouvelle, Loup-Gris accusa Delshay d’avoir aidé les fugitifs et ordonna son arrestation. Delshay se résolut à partir de nouveau. Il ne voulait pas perdre le peu de liberté qu’il avait conservé, être mis aux fers et enfermé dans le trou de plus de cinq mètres que les soldats avaient creusé dans les parois du canyon pour leurs prisonniers indiens. Accompagné d’une poignée de partisans, il alla se réfugier dans le Tonto Basin.
Il savait que la traque commencerait bientôt. Loup-Gris n’aurait de cesse qu’il le trouvât. Pendant des mois, Delshay et ses compagnons échappèrent à leurs poursuivants. Enfin, le général Crook décida que ses troupes ne pouvaient pas passer leur temps à arpenter le Tonto Basin ; seul un autre Apache parviendrait à trouver Delshay. Il annonça donc qu’il offrait une récompense à quiconque lui rapporterait la tête du chef indien. En juillet 1874, deux mercenaires apaches se présentèrent l’un après l’autre au quartier général du général, chacun avec une tête coupée qu’ils affirmaient être celle de Delshay. « Convaincu que ces hommes étaient sincères, raconta Crook, et que peu m’importait qu’il y ait une tête de trop, je les ai payés tous les deux. » Les têtes furent exposées, en compagnie de celles d’autres Apaches, sur les terrains de manœuvres de Rio Verde et de San Carlos.
Pour Eskiminzin et les Aravaipas aussi, la paix n’était pas gagnée. Après la visite du commissaire Colyer en 1871, ils commencèrent une nouvelle vie à Camp Grant, reconstruirent leur village de huttes et semèrent à nouveau des céréales. Hélas, juste au moment où tout semblait bien se passer, le gouvernement décida de déplacer Camp Grant à une centaine de kilomètres au sud-ouest. Saisissant ce prétexte pour débarrasser la vallée de San Pedro de toute présence indienne, l’armée transféra les Aravaipas à San Carlos, une nouvelle agence au bord de la Gila River.
Le déplacement eut lieu en février 1873. Les Aravaipas commençaient tout juste à construire une nouvelle rancheria et à semer de nouveaux champs quand se produisit le soulèvement au cours duquel le lieutenant Almy fut tué. Ni Eskiminzin, ni aucun autre Aravaipa n’était impliqué dans cette mort, mais comme Eskiminzin était un chef, Loup-Gris ordonna qu’il soit arrêté et emprisonné par mesure de « précaution militaire ».
Il demeura aux arrêts jusqu’à la nuit du 4 janvier 1874, avant de parvenir à s’échapper. Il voulut alors conduire son peuple loin de la réserve. Pendant quatre mois de froid intense, les Aravaipas errèrent dans des montagnes qu’ils ne connaissaient pas, à la recherche de nourriture et d’endroits où s’abriter. Lorsque avril arriva, la plupart étaient malades et affamés. Pour sauver son peuple de la mort,
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