Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
les retrouvailles des chefs kiowas à St. Louis. La manœuvre de Lone Wolf était digne d’un diplomate chevronné, et bien que Walker ne soit pas en position d’obliger le gouverneur du Texas à relâcher Satanta et Big Tree, il dut promettre d’obtenir leur libération pour que Lone Wolf accepte son ultimatum. De plus, Lone Wolf fixa une date limite – les chefs devraient être libérés avant la fin de la prochaine Lune-des-bourgeons et le début de la Lune-des-feuilles, c’est-à-dire fin mars 1873.
L’un des résultats des discussions de Washington fut que Ten Bears se retrouva complètement rejeté par les Comanches. Si Lone Wolf reçut à son retour sur la réserve un accueil digne d’un héros, Ten Bears fut pratiquement ignoré. Malade et épuisé, le vieux poète des Plaines se laissa mourir le 23 novembre 1872. « À l’exception de son fils, raconta l’instituteur de l’agence, Thomas Battey, les siens l’avaient tous abandonné. »
Pendant ce temps, sur les Staked Plains, l’armée se lançait à la recherche des Comanches Kwahadis libres, ainsi que l’avait dit Walker. Parti de Fort Richardson, le 4 e de cavalerie passa au peigne fin la haute vallée de la Red River. Les cavaliers de ce regiment étaient placés sous les ordres de Ranald Mackenzie, un chef soldat maigre, nerveux, irascible qui arborait des favoris bien fournis et que les Comanches avaient baptisé Mangoheute, c’est-à-dire Trois-Doigts (il avait perdu son index pendant la guerre de Sécession). Le 29 septembre, en longeant McClellan’s Creek, les éclaireurs de Trois-Doigts tombèrent sur un gros village comanche, celui de Bull Bear. Les Indiens étaient occupés à faire sécher de la viande pour l’hiver. Les soldats chargèrent. Ils tuèrent vingt-trois Indiens, capturèrent cent vingt femmes et enfants et s’emparèrent de presque tous les mustangs de la bande, plus d’un millier de bêtes. Après avoir brûlé les deux cent soixante-deux tipis, Mackenzie et ses troupes établirent leur campement de nuit un peu plus en aval. Dans l’intervalle, les quelques centaines de guerriers qui s’étaient enfuis avaient gagné à pied un autre village comanche, d’où ils repartirent avec des montures et des renforts pour attaquer par surprise, en pleine nuit, les Tuniques Bleues. « Nous avons récupéré tous nos mustangs et même pris certains des chevaux de l’armée », devait raconter plus tard l’un des guerriers. Mais ils ne purent libérer les femmes et les enfants capturés, que Mackenzie emmena à Fort Sill. Afin d’être avec leur famille, Bull Bear et un certain nombre de Kwahadis durent donc se résoudre à vivre sur la réserve. Mais les autres continuèrent pour la plupart à parcourir librement la prairie à la poursuite des troupeaux de bisons, en attirant un nombre croissant de recrues venues d’autres tribus du Sud-Ouest. Sous le commandement d’un métis de vingt-sept ans du nom de Quanah Parker, le groupe allait devenir plus indomptable que jamais.
En 1873, aux premiers signes du printemps, les Kiowas commencèrent à préparer une grande fête pour accueillir Satanta et Big Tree. Crâne-Chauve Tatum avait passé l’hiver à tenter d’empêcher la libération des chefs, mais le commissaire aux Affaires indiennes avait rejeté ses arguments. Tatum avait démissionné et été remplacé par James Haworth. La Lune-des-bourgeons était passée et la Lune-des-feuilles bien entamée quand Lone Wolf évoqua la possibilité d’une guerre contre les Texans si ceux-ci refusaient toujours de libérer les chefs. Kicking Bird supplia les guerriers de patienter ; le gouverneur du Texas était aux prises avec les fermiers et leur haine des Indiens. Enfin, à la Lune-où-les-cerfs-perdent-leurs-bois, en août, des officiels de Washington organisèrent le transfert des deux prisonniers à Fort Sill. Peu après, le gouverneur du Texas lui-même arriva. Un grand conseil était prévu.
Le jour dit, Satanta et Big Tree, gardés par des soldats, furent autorisés à assister aux discussions. Le gouverneur ouvrit la session en disant aux Kiowas qu’ils devaient s’installer dans des fermes près de l’agence. Ils viendraient chercher leurs rations et répondre à l’appel tous les trois jours, empêcheraient leurs jeunes braves de lancer des raids au Texas, remettraient leurs armes et leurs mustangs aux autorités et cultiveraient le maïs comme de bons Indiens civilisés. « Satanta et Big
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