Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
réserve passait au second plan. Après tout, les chasseurs n’opéraient-ils pas dans des terres à bisons réservées par traité à l’usage exclusif des Indiens ? Si les soldats refusaient de faire partir les chasseurs, alors ce serait aux Indiens de s’en charger.
En tout, ce furent sept cents guerriers qui partirent à cheval de Elk Creek à la fin de la Lune-d’été. Pendant le trajet, Isatai procéda à des rites magiques et rassura les guerriers. « Ces Blancs ne peuvent pas vous tirer dessus. Grâce à ma magie, j’arrêterai tous leurs fusils. En chargeant, vous les éliminerez tous. »
Le 27 juin, avant le lever du soleil, les guerriers s’approchèrent d’Adobe Walls et se préparèrent pour une charge unique et fulgurante qui annihilerait tous les chasseurs de bisons du comptoir. « Nous avons foncé avec nos mustangs. La poussière volait très haut », devait raconter Quanah Parker par la suite. Le terrain était troué de terriers de chiens de prairie, dans lesquels les sabots des mustangs s’enfoncèrent, faisant rouler par terre monture et cavalier. Surprenant deux chasseurs qui tentaient de fuir dans un chariot, les Indiens les tuèrent et les scalpèrent. Les détonations et les roulements des sabots alertèrent les Blancs restés dans les habitations en pisé. Ils ouvrirent le feu avec leurs fusils de chasse à longue portée. Les Indiens reculèrent, puis formèrent autour des défenseurs leur traditionnel cercle, quelques guerriers piquant vers le centre au galop pour projeter des lances ou des flèches enflammées à travers les fenêtres.
« Je me suis approché des maisons avec un autre Comanche, raconte Quanah. Nous avons percé des trous dans les toits afin de tirer à l’intérieur. » Les Indiens se retirèrent plusieurs fois pour repartir de plus belle à la charge, espérant forcer les chasseurs à épuiser leurs munitions. Au cours de l’une de ces attaques, le cheval de Quanah s’écroula, touché. Quanah tenta de se mettre à l’abri mais une balle lui broya l’épaule. Il rampa jusqu’à un buisson touffu et fut secouru un peu plus tard.
« Les chasseurs de bisons étaient trop forts pour nous, devait reconnaître plus tard l’un des guerriers comanches. Ils étaient protégés par des murs épais, avaient des fusils munis de lunette (…). L’un de nos hommes a été mis à terre par une balle tirée de plus d’un kilomètre et demi. Il n’a certes pas été tué, mais le choc l’a assommé. »
En début d’après-midi, les attaquants se placèrent hors de portée des puissantes armes de chasse. Quinze d’entre eux avaient été tués, et de nombreux autres guerriers étaient grièvement blessés. Les Indiens furieux et frustrés s’en prirent à Isatai, qui leur avait promis sa protection contre les balles des Blancs et une grande victoire. L’un le frappa avec sa cravache, et plusieurs autres braves s’apprêtaient à faire de même lorsque Quanah intervint. La disgrâce serait pour Isatai une punition suffisante. À compter de ce jour, Quanah Parker n’accorda plus jamais sa confiance à un homme-médecine.
Après que les chefs eurent levé le siège inutile d’Adobe Walls, Lone Wolf et Satanta voulurent ramener leurs guerriers dans la vallée de la North Fork, affluent de la Red River, afin d’assister à la danse du Soleil kiowa. Bien sûr, ils proposèrent à leurs amis comanches et cheyennes de se joindre à eux. Cet été-là, le temps fort des cérémonies serait la célébration du retour de Satanta et Big Tree à la réserve. Cela attira aux Kiowas de vifs reproches de la part des Kwahadis et des Cheyennes, qui leur rappelèrent que pendant ce temps, les bisons se faisaient massacrer par les chasseurs blancs et leur demandèrent instamment de venir avec eux se battre pour sauver les troupeaux.
Kicking Bird refusa de se laisser convaincre. À la fin de la danse du Soleil, il poussa les siens à regagner l’agence au plus vite. Par contre, Lone Wolf et ses partisans avaient décidé que leur devoir les entraînait du côté des Kwahadis.
Cette fois-ci, Satanta ne suivit pas Lone Wolf. Considérant qu’il avait déjà pris beaucoup de risques, ce chef éminemment sociable et assoiffé d’action prit à contrecœur le chemin de Fort Sill. En route, il descendit en compagnie de sa famille et de quelques amis le Rainy Mountain Creek pour aller à la réserve des Wichitas faire un peu de troc avec ces Indiens cultivateurs de
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