Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
lac aux eaux pures et bleues. La bande d’Old Joseph possédait de magnifiques troupeaux, de beaux tipis, et quand ses membres voulaient acheter quelque chose aux Blancs, ils le payaient en têtes de bétail.
Quelques années après la signature du premier traité, des représentants du gouvernement se mirent à harceler les Nez-Percés tel un essaim de guêpes et leur réclamèrent plus de terres. Old Joseph déconseilla à son peuple d’accepter les cadeaux des Blancs, fut-ce une simple couverture. « Ils finiront par dire que vous avez accepté de vendre votre pays. »
En 1863, un nouveau traité fut proposé aux Nez-Percés. Il s’agissait de leur prendre la vallée de la Wallowa et les trois quarts du territoire qu’il leur restait, en d’autres termes ne leur laisser qu’une petite réserve située dans ce qui correspond aujourd’hui à l’Idaho. Si Old Joseph refusa les propositions des Blancs, Lawyer ainsi que plusieurs autres chefs – dont aucun n’avait jamais vécu dans la « vallée aux rivières sinueuses » – cédèrent la terre de leur peuple en signant le document, le « traité-voleur » comme l’appela Old Joseph, tellement indigné qu’il déchira la bible qu’un missionnaire blanc lui avait donnée pour le convertir. Afin de faire savoir aux Blancs qu’il considérait toujours la vallée de la Wallowa comme sienne, il fit planter des piquets délimitant la terre où son peuple vivait.
Il mourut peu de temps après, en 1871. Le titre de chef revint alors à son fils, Heinmot Tooyalaket (Young Joseph), âgé à l’époque de trente ans. Lorsque les représentants du gouvernement vinrent ordonner aux Nez-Percés de quitter la Wallowa pour s’installer sur la réserve de Lapwai, Young Joseph refusa. « Ni Lawyer ni aucun autre chef n’avait le droit de vendre cette terre, déclara-t-il. Elle a de tout temps appartenu à mon peuple. Elle lui a été transmise sans aucune tache par nos pères, et nous la défendrons tant qu’il y aura une seule goutte de sang indien pour réchauffer le cœur de nos hommes. » Il implora le Grand Père, Ulysses Grant, de laisser son peuple vivre là où il avait toujours vécu. Le 16 juin 1873, le président promulgua un décret-loi interdisant l’installation de colons blancs dans la vallée.
Peu après, une commission arriva pour y installer une nouvelle agence indienne. L’un de ses membres expliqua quel avantage ce serait pour le peuple de Joseph de disposer d’écoles. Le chef répliqua que les Nez-Percés ne voulaient pas des écoles de l’homme blanc.
« Pourquoi ? demanda son interlocuteur.
— On nous y apprendra à avoir des églises, répondit Joseph.
— Et vous ne voulez pas d’églises ?
— Non, nous ne voulons pas d’églises.
— Pourquoi ?
— Parce qu’on nous y apprendra à nous disputer au sujet de Dieu. Et cela, nous ne le voulons pas. Il nous arrive de nous disputer au sujet des choses de cette terre, mais jamais à propos de Dieu. Nous ne voulons pas l’apprendre. »
Pendant ce temps, des colons blancs grignotaient peu à peu la vallée et comptaient bien s’approprier les terres des Nez-Percés. On trouva de l’or dans les montagnes voisines. Les prospecteurs volèrent les chevaux des Indiens, les gardiens de bestiaux prirent leur bétail et le marquèrent afin que les Indiens ne puissent pas le réclamer. Des responsables politiques firent le trajet jusqu’à Washington, où ils racontèrent des mensonges à propos des Nez-Percés. Ces derniers, dirent-ils, représentaient une menace pour la paix et volaient les troupeaux des colons. La vérité était tout autre, mais comme le dit Joseph, « [N]ous n’avions aucun ami pour plaider notre cause ».
Deux ans après avoir promis la vallée de la Wallowa au peuple de Joseph pour toujours, le Grand Père fit une autre déclaration ouvrant de nouveau la vallée à la colonisation. Les Nez-Percés se voyaient accorder un délai pour aller s’installer sur la réserve de Lapwai. Joseph n’avait nullement l’intention de céder la terre de ses ancêtres. Mais en 1877, le gouvernement chargea Chef-Soldat-Manchot, le général Howard, de chasser les Nez-Percés de la région.
Quatre ans auparavant, Oliver Otis Howard s’était montré juste avec Cochise et les Apaches. Depuis, il avait appris que l’armée n’aimait pas beaucoup ceux qui faisaient « ami-ami » avec les Indiens. Il arriva donc dans ces contrées du Nord-Ouest avec
Weitere Kostenlose Bücher