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Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

Titel: Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dee Brown
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céréales, mais les inondations et les insectes avaient détruit leurs récoltes, et ils devaient se contenter de demi-rations. Ils vivaient dans une telle promiscuité que les maladies avaient déjà fait des victimes parmi les plus faibles. Bosque n’était pas un bon endroit. Les soldats les surveillaient, si bien qu’il était difficile et dangereux de s’échapper. Pourtant, nombreux étaient les Indiens prêts à risquer leur vie pour s’enfuir.
    En attendant, Chef-Étoiles Carleton avait persuadé l’évêque de Santa Fé de faire chanter un Te Deum pour fêter la réussite de l’opération de rassemblement des Navajos à Bosque. L’endroit était, avait-il expliqué à ses supérieurs à Washington, « une splendide réserve (…). Il n’y a aucune raison pour qu’ils [les Navajos] ne soient pas les plus heureux, les plus prospères et les mieux lotis des Indiens des États-Unis (…). En tout état de cause (…) cela nous revient moins cher de les nourrir que de les combattre. »
    Chef-Étoiles considérait en effet ses prisonniers uniquement comme des bouches et des corps. « Ces six mille bouches doivent être nourries, et ces six mille corps vêtus. Si l’on considère le pays aux splendides pâturages et aux ressources minérales extraordinaires qu’ils nous ont cédé – un pays à la valeur inestimable, ces quelques vivres et vêtements que nous devons leur donner tout de suite pour les aider paraissent bien négligeables au regard de cet héritage naturel que nous leur achetons ainsi. »
    Et pas un ardent partisan de la « Destinée Manifeste » n’aurait exprimé son enthousiasme de manière aussi grandiloquente que lui : « L’exode de ce peuple entier de la terre de ses ancêtres est un spectacle non seulement intéressant, mais aussi touchant. Ils nous ont combattus avec bravoure pendant des années ; ils ont défendu leurs montagnes et leurs magnifiques canyons avec un héroïsme que bien des peuples leur envieraient. Mais lorsque enfin ils ont compris que leur destinée était, comme pour leurs frères, tribu après tribu, de reculer vers le couchant, de céder devant l’insatiable progrès de notre race, ils se sont avoués vaincus, et ces hommes braves, dignes de notre admiration et de notre respect, sont venus vers nous, confiants dans notre magnanimité, convaincus que nous étions un peuple trop puissant et trop juste pour récompenser cette confiance par la méchanceté et les mauvais traitements – convaincus qu’après ce sacrifice de leur beau pays, de leurs foyers, de ce qui donnait sens à leurs vies, des paysages qui faisaient partie de leurs traditions, nous ne leur paierions pas un salaire de misère en échange de ce qui est, comme ils le savent et comme nous le savons tous, un merveilleux royaume .  »
    Pourtant, Manuelito ne s’était pas avoué vaincu. Et le général Carleton ne pouvait pas se permettre de ne pas punir un tel entêtement, surtout de la part d’un chef aussi important. En février 1865, des messagers navajos vinrent de Fort Wingate apporter un message de Chef-Étoiles à Manuelito, ou plus exactement un avertissement : s’ils ne venaient pas pacifiquement au fort avant le printemps, sa bande et lui seraient traqués jusqu’à la mort. « Je ne fais de mal à personne, répondit Manuelito aux messagers. Je ne quitterai pas mon pays. J’ai l’intention de mourir ici. » Toutefois, il accepta de rencontrer à nouveau certains des chefs qui avaient été à Bosque Redondo.
    Fin février, Herrero Grande et cinq autres chefs navajos vinrent rencontrer Manuelito près du comptoir de Zuni. Il faisait froid, et le paysage était recouvert d’une épaisse couche de neige. Manuelito étreignit ses vieux amis, puis les amena dans les collines où son peuple se cachait. De sa bande ne restaient qu’une centaine d’hommes, de femmes et d’enfants, avec quelques chevaux et moutons. « Voici tout ce que j’ai au monde, déclara Manuelito. Voyez comme c’est peu. Voyez comme ils sont pauvres. Mes enfants en sont réduits à manger des racines. » Il se tut un instant, avant d’ajouter que ses chevaux n’étaient pas en état de faire le trajet jusqu’à Bosque Redondo. Herrero lui répondit qu’il n’était pas investi de l’autorité lui permettant de reculer la date butoir pour sa reddition. Il l’avertit d’un ton amical qu’il mettrait en danger la vie de son peuple s’il ne se rendait pas. Sentant sa détermination

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