Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
pour moitié indiens, mais se heurta à l’influence de la sphère politique. Comme on ne pouvait trouver aucun Indien influent sur le plan politique, la commission n’en comprit aucun.
Au cours de l’hiver 1869-1870, le commissaire Parker (ou Donehogawa l’Iroquois, nom qui lui plaisait de plus en plus) constata avec plaisir que la paix régnait sur la frontière de l’Ouest. Mais au printemps 1870, des rapports faisant état de rébellions dans les agences indiennes des Plaines l’inquiétèrent. C’est en lisant le document que lui avait adressé le lieutenant Pearse à propos de l’atroce massacre des Blackfeets qu’il commença à soupçonner les causes de l’agitation. Parker savait que si rien n’était fait pour assurer les Indiens des bonnes intentions du gouvernement, on assisterait sans doute pendant l’été au déclenchement d’une guerre générale.
Le commissaire était tout à fait conscient du mécontentement de Red Cloud, de sa volonté farouche de conserver le territoire qu’il avait gagné par traité et de son désir de pouvoir disposer d’un comptoir non loin de son village. Quant à Spotted Tail, même s’il avait accepté d’aller à Fort Randall, ses Sioux Brûlés n’en étaient pas moins parmi les plus rebelles des Indiens vivant sur des réserves. Soutenus par de nombreux partisans parmi les tribus des Plaines, les deux chefs sioux détenaient aux yeux du commissaire la clé de la paix. Un Iroquois comme lui pourrait-il gagner leur confiance ? Voilà qui était loin d’être certain. Donehogawa décida néanmoins de tenter sa chance.
Il envoya une invitation courtoise à Spotted Tail mais, trop habile pour solliciter directement un entretien avec Red Cloud, ce qui aurait sans doute été interprété comme une convocation et rejeté avec fierté, il eut recours à un intermédiaire pour l’informer qu’il serait le bienvenu s’il désirait rendre visite au Grand Père à Washington.
La perspective d’un tel voyage piqua la curiosité du chef oglala ; cela lui donnerait l’occasion de parler avec le Grand Chef et de lui dire que les Sioux ne voulaient pas d’une réserve au bord du Missouri. Et il pourrait également vérifier par lui-même si le Petit Père des Indiens, ce commissaire qu’on appelait Parker, était bien un Indien qui savait écrire comme un Blanc.
Dès qu’il apprit que Red Cloud voulait venir à Washington, le commissaire envoya le colonel John E. Smith à Fort Laramie pour faire office d’escorte. Red Cloud se fit accompagner par quinze Oglalas, et le 26 mai, la petite troupe commença son long périple vers l’est à bord d’un wagon spécial de l’Union Pacific.
Pour les Sioux, ce fut une expérience inoubliable que de se retrouver à bord de leur vieil ennemi, le cheval de fer. Ils trouvèrent qu’Omaha (qui devait son nom aux Indiens) était une véritable ruche grouillante de Blancs et Chicago (encore un nom indien) un endroit terrifiant avec ses bruits, ses foules et ses bâtiments qui donnaient l’impression de toucher le ciel. Les Blancs, aussi nombreux, agglutinés les uns aux autres et agités que des sauterelles, semblaient toujours en train de courir sans pour autant atteindre leur but.
Au bout de cinq jours passés dans un vacarme et un mouvement permanents, le cheval de fer les déposa à Washington. Les membres de la commission, Red Cloud excepté, étaient hébétés et mal à l’aise. Le commissaire Parker, un Indien effectivement, les accueillit avec chaleur : « C’est un grand plaisir pour moi de vous voir ici aujourd’hui. Je sais que vous avez fait un long voyage pour venir rendre visite au Grand Père, le président des États-Unis. Je me réjouis d’apprendre que votre trajet s’est bien passé et que vous êtes arrivés ici sans encombre. J’aimerais entendre ce que Red Cloud a à dire en son nom propre et au nom de son peuple. »
« Je n’ai que quelques mots à dire, répondit Red Cloud. J’ai été heureux d’apprendre que le Grand Père voulait bien que je vienne le voir, et je me suis tout de suite mis en route. Envoie un télégraphe à mon peuple pour leur dire que je suis bien arrivé. C’est tout ce que j’ai à dire aujourd’hui. »
En arrivant à la Washington House, sur Pennsylvania Avenue, où une suite leur avait été réservée, Red Cloud et ses compagnons eurent la surprise d’y retrouver Spotted Tail et une délégation de Brûlés. Comme Spotted Tail avait obéi
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