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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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l’idéologie bolchévique ne domine pas toute la Chine et ne soit combinée avec une alliance politique très étroite avec la Russie. Peu à peu, grâce à l’éducation, cette idéologie pénétrera dans environ une moitié de la population du globe. Que se passera-t-il, pendant ce temps, dans l’autre moitié ?
    Dans le monde occidental, où l’orthodoxie officielle a l’avantage du
statu quo
et de la tradition, des méthodes plus subtiles suffisent ; en vérité, les méthodes existantes se sont développées presque spontanément. On ne peut pas voir la religion moderne dans sa pureté en Europe, où se mêlent des restes du Moyen Âge. C’est aux États-Unis que le capitalisme industriel a les mains les plus libres et où son caractère est le plus évident. Mais l’Europe occidentale ne peut éviter, peu à peu, de se façonner à l’image de l’Amérique, car l’Amérique est la plus grande puissance mondiale. Je ne veux pas dire par là que nous devrons adopter le « fixisme », par exemple, qui n’est qu’une religion européenne retardée qui survit parmi une population transplantée de paysans dévots. La partie agricole de l’Amérique n’est pas celle qui compte internationalement, ni celle qui probablement façonnera l’avenir de l’Amérique. C’est la religion industrielle qui importe et qui est nouvelle. Cette religion a une forme en Russie et une autre en Amérique ; c’est le conflit de ces deux formes qui importe.
    L’Amérique, comme la Russie, a un idéal qui n’est pas réalisé, mais auquel les valeurs sont théoriquement ajustées.
    L’idéal russe est le communisme. L’idéal américain est la concurrence libre. De même que la Nouvelle Politique Économique a été la pierre d’achoppement pour l’idéal russe, de même les trusts en constituent une pour l’idéal américain. Là où le communiste pense en termes d’organisation, l’Américain typique pense en termes d’individus.
De la hutte de bois à la Maison Blanche
, voilà l’idéal qu’on met devant les jeunes en politique ; dans le domaine économique, un idéal analogue inspire les annonces des « systèmes » qui assurent la réussite dans les affaires. Le fait qu’il est impossible pour tout le monde de vivre à la Maison Blanche ou de devenir Président d’un trust n’est pas considéré comme un défaut dans l’idéal, mais seulement comme une raison d’exhorter tout jeune homme à être plus industrieux et plus habile que ses amis. Quand l’Amérique était encore vide, il était possible pour la plupart des gens de réaliser des succès considérables sans gêner les autres ; encore maintenant, tant qu’un homme ne poursuit que la prospérité matérielle et non le pouvoir, un salarié en Amérique peut être plus riche qu’un homme de profession libérale sur le continent.
    Mais le pouvoir se concentre de plus en plus, et il existe le danger que ceux qui en sont exclus viennent demander leur part. Une partie de la religion nationale est destinée à diminuer ce danger. La maxime napoléonienne :
La carrière ouverte aux talents
(19) y contribue pour une grande part ; on fait le reste en représentant le succès comme une affaire individuelle plutôt que collective. Dans la philosophie communiste, le succès qu’on recherche est celui d’un groupe ou d’une organisation ; dans la philosophie américaine, c’est celui de l’individu.
    Par conséquent, l’individu qui subit un échec a honte de son incapacité plutôt qu’il n’est en colère contre le système social. Et la philosophie individualiste à laquelle il est accoutumé l’empêche de s’imaginer qu’on peut gagner quoi que ce soit par une action collective. C’est pourquoi il n’y a aucune opposition effective contre les tenants du pouvoir qui demeurent libres de jouir des avantages d’un système social qui leur donne de la richesse et une influence mondiale.
    Il n’y eut jamais de période où les choses désirées par les hommes fussent également distribuées à toute la population. Dans un système social stable il doit nécessairement y avoir une méthode pour faire accepter leur part aux moins fortunés, et on fait cela généralement au moyen d’une religion. Mais pour garantir qu’elle soit acceptée par les masses, une religion doit offrir à toute la communauté des avantages suffisamment grands pour compenser les injustices qu’elle admet. En Amérique, elle offre un progrès

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