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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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arrive réellement continue à exister (ce qui est l’essence de sa doctrine de la durée), alors la totalité de l’existence d’un moment antérieur est une partie de la totalité de l’existence d’un moment postérieur. Les états totaux du monde aux époques différentes forment, en vertu de cette relation du tout et de la partie, une série qui possède toutes les propriétés exigées par le mathématicien et que Bergson croit avoir chassées. Si les nouveaux éléments ajoutés aux moments ultérieurs ne sont pas extérieurs aux anciens éléments, il n’y a pas de véritable nouveauté, l’évolution créatrice n’a rien créé et nous voilà revenus au système de Plotin. Bien entendu, Bergson répond à ce dilemme en disant que tout ce qui arrive est « croissance » où tout change et pourtant demeure le même. Mais cette conception est un mystère que le profane ne peut pas espérer résoudre. Au fond, Bergson fait appel à la foi mystique, non à la raison ; mais nous ne pouvons pas le suivre dans les régions où la foi est au-dessus de la logique.
    Pendant ce temps-là, de sources diverses, une philosophie vint au monde qu’on définit souvent comme le « réalisme », mais qu’on peut en réalité décrire en disant que sa méthode est l’analyse et sa métaphysique, le pluralisme. Cette philosophie n’est pas nécessairement réaliste, puisque, sous certaines formes, elle est compatible avec l’idéalisme de Berkeley. Elle n’est pas compatible avec l’idéalisme kantien ou hégélien, car elle rejette la logique qui sert de fondement à ces systèmes. Elle tend de plus en plus à adopter et à perfectionner l’idée de James que la substance fondamentale de notre monde n’est ni matérielle ni spirituelle, mais quelque chose de plus simple et de plus primitif dont l’esprit et la matière sont tous les deux composés.
    Durant la neuvième décennie du XIX e  siècle, James fut presque la seule personne en vue, si l’on ne compte pas les vieillards, qui eût pris position contre l’idéalisme allemand. Schiller et Dewey n’avaient pas encore commencé à exercer leur influence, et même James était considéré comme un psychologue qu’on n’avait pas besoin de prendre au sérieux en philosophie. Mais en 1900, une révolte contre l’idéalisme allemand éclata, non d’un point de vue pragmatiste, mais d’un point de vue strictement technique. En Allemagne, à part l’œuvre admirable de Frege (commencée en 1879, mais ignorée jusqu’à une époque toute récente) les
Logische Untersuchungen
de Husserl, œuvre monumentale publiée en 1900 exerça rapidement une grande influence.
Ueber Annahmen
(1902) et
Gegenstandstheorie und Psychologie
(1904) de Meinong exercèrent une influence dans le même sens. En Angleterre, G.E. Moore et moi-même avons commencé à défendre des conceptions analogues. L’article de G.E. Moore sur la
Nature du Jugement
a paru en 1899 ; ses
Principia Ethica
en 1903. Ma
Philosophie de Leibniz
a paru en 1900, et mes
Principes des Mathématiques
en 1903. En France, Couturat s’est fait le champion vigoureux de la même espèce de philosophie. En Amérique, l’empirisme radical de William James (sans son pragmatisme), mêlé à la nouvelle logique a produit une philosophie complètement nouvelle, celle des
New Realists
qui est venue un peu plus tard, mais qui a un caractère plus révolutionnaire que les œuvres européennes mentionnées plus haut, bien que
l’Analyse des Sensations
de Mach ait anticipé sur une partie de son enseignement.
    Cette nouvelle philosophie ainsi inaugurée n’a pas encore atteint sa forme finale et, à certains égards, elle n’est pas encore mûre. De plus, il existe encore de nombreux désaccords entre ses divers partisans. Ces désaccords portent sur des questions un peu obscures. Pour cette raison, on ne peut mettre en évidence que quelques-uns de ses traits caractéristiques.
    Tout d’abord, la nouvelle philosophie renonce à prétendre qu’il existe une méthode philosophique spéciale ou une connaissance d’un genre particulier qu’on peut obtenir grâce à elle. Elle considère la philosophie comme faisant un avec la science ; elle ne se distingue des sciences particulières que par le caractère général de ses problèmes et par le fait qu’elle s’occupe de la formation des hypothèses pour lesquelles nous n’avons pas encore des données empiriques. Elle estime que toute connaissance est

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