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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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appel au secours muet.

    — Madame, intervint celui-ci en s’approchant de Marie, vous allez bien à Liverpool ?
    — ... Oui.
    — Le mieux serait de vous rendre à votre cabine. Ces dames peuvent vous accompagner. Elles devront toutefois descendre au premier coup de sifflet, ou bien le capitaine les mettra aux cuisines. Même aussi charmantes, les passagères clandestines doivent payer leur passage.
    — Elles peuvent venir à bord ?
    L’employé hocha la tête en souriant. Ces baptêmes de la mer créaient toujours des émotions contradictoires. L’expérience n’entraînait toutefois que de très rares déceptions. Il regarda le quatuor s’engager sur la passerelle, puis accorda son attention à d’autres passagers tout aussi intimidés.

    *****
Pour un garçon devant s’absenter plusieurs semaines, Antoine voyageait avec peu de bagages. Quand il descendit dans le hall d’entrée avec une seule valise à la main, son père s’en inquiéta un peu.
    — Tu penses avoir tout ce qu’il te faut, là-dedans ?
    — J’ai pris trois gros romans, dont Les Trois Mousquetaires.
    — Je pensais à des choses utiles, comme des sous-vêtements, des chemises, des pantalons.
    — Mon patron m’a dit qu’il me fournirait des vêtements de travail... ceux des garçons de la maison.
    Deux jours plus tôt, une longue conversation téléphonique avec
    le
    cultivateur
    de
    Saint-Michel-de-Bellechasse
    lui avait permis de s’entendre sur les aspects pratiques de son séjour. L’adolescent apporterait avec lui une tenue convenable pour les dimanches. Les autres jours, les vêtements maintes fois reprisés des fils de la maison lui suffiraient pour être digne des vaches laitières, des quelques porcs et des volailles de la basse-cour.
    — Cela leur fera tout drôle de ne pas passer l’été dans la grange, commenta l’apprenti paysan.
    — Je pense que ces dernières années, nos hôtes continuaient de nous louer leur maison par gentillesse, pour ne pas nous décevoir. Quand je lui ai dit que nous n’irions pas cet été, il n’a pas du tout paru désappointé.
    — L’argent servait à payer les études du benjamin au collège de Lévis.
    Moins robuste que les autres membres de la fratrie, celui-ci deviendrait curé. Cela ajouterait au prestige de la famille et lui procurerait une avalanche de bénédictions venues du ciel.
    — Je suis content de savoir que nos étés à la campagne ont permis de faire instruire quelqu’un. Mais as-tu une idée des motifs qui retardent les filles ? Elles vont finir par te faire manquer ton train.
    — Béatrice n’arrive pas à choisir ses vêtements.
    — Elle devra faire une sélection, pourtant. Avec tout ce monde dans la voiture, nous ne pourrons pas transporter de grosses malles.
    L’homme se tourna vers l’escalier pour dire en élevant la voix :
    — Béa, nous devons nous mettre en route.
    — J’arrive tout de suite.
    Le «tout de suite» bien féminin se transforma en dix bonnes minutes. Puis elle descendit une valise à la main, son frère Charles la suivait en en portant une autre.
    — Elle doit peser cent livres, commenta le cadet. Elle a mis tout le contenu de la commode dedans, on a dû s’asseoir dessus pour la fermer.
    — Pourras-tu te rendre jusqu’à l’auto ?
    — Bien sûr, je suis fort.
    Tout de même, il devait tenir la poignée de ses deux mains.
    — Dans ce cas, je vais me dévouer pour notre invitée.
    Claire fermait la petite procession. Fernand tendit la main en disant :
    — Donne, je vais transporter ça dans la voiture.
    La fillette s’avérait trop timide pour repousser la délicate attention. Heureusement, sa peau de brune ne rougissait pas facilement, sinon elle aurait passé les dernières quarante-huit heures les joues cramoisies. Comme, le samedi précédent, son père n’avait pas pu venir la chercher au couvent pour les grandes vacances d’été, les Dupire l’avaient hébergée.
    L’homme la conduirait chez elle au cours de la journée. Il s’agissait de son premier séjour chez des étrangers.
    — Les enfants, vous êtes allés saluer votre mère ?
    Antoine et Béatrice dirent oui de la tête. Le petit défilé dans la chambre de la convalescente leur laissait un mauvais souvenir. Le malaise, les paroles hésitantes, l’étreinte un peu fébrile les avaient troublés.
    — Moi, je n’y suis pas allé, commenta Charles. Je reste ici cet été.
    La remarque contenait un lourd reproche.
    — Tu as de la chance, dit son

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