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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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pouvez venir les chercher ici et les poser vous-même...
    — Soyez assuré que j’y arriverai.
    Le vendeur la crut sur parole. Cette fois, la consommatrice sortit un petit carnet de sa poche pour noter la marque, le numéro du modèle et le prix.
    — Que voulez-vous voir maintenant ?
    — Les appareils radio.
    — Ah ! Je viens de recevoir un nouveau modèle...
    — Merveilleux, je suppose.
    — Je vous laisse juger.
    Il la conduisit vers le mur du fond du magasin et s’arrêta devant un cabinet en noyer haut de cinq pieds environ, large de trois et profond de deux. Il tourna le bouton situé devant, à la gauche de la section centrale de l’appareil, se privant de préciser: «Il faut donner le temps aux lampes de se réchauffer. » Une ampoule à l’intérieur donna une couleur ambre à une fenêtre située au milieu. Il tourna un moment le syntonisateur juste sous celle-ci et regarda les fréquences affichées sur un disque. Le son d’une clarinette se fit entendre. Lorsqu’il tourna le bouton de droite, la musique envahit la salle de montre. De grands haut-parleurs occupaient la droite, la gauche et le bas de la radio proprement dite. — L’illusion est parfaite, commenta-t-il. On se croirait dans la salle de concert.
    — Une personne n’ayant jamais assisté à un concert pourrait le croire, en effet.
    Le petit homme se renfrogna un moment, le temps qu’elle ajoute :
    — Mais je vous le concède, je n’ai jamais entendu mieux.
    L’appareil de Paul Dubuc, surmonté d’un horrible cornet en cuivre,
    émettait
    autant
    de
    grincements
    que
    de
    musique. Celui de Mathieu, avec de vrais haut-parleurs, donnait une meilleure qualité sonore, mais rien de comparable à cela. — Vous ne trouverez pas mieux dans toute la ville de Québec. Il s’agit du modèle Nocturne, de Crosley. La meilleure fidélité, comparée à tout ceci.
    De la main, il désigna des appareils un peu plus petits, certains montés aussi sur quatre pieds, d’autres destinés à être posés sur une table.
    — Pour atteindre cette performance, vous devez aussi avoir la meilleure antenne de la ville, dit la jeune femme.
    L’un va avec l’autre.
    — Nous pouvons vous en installer une semblable à la nôtre.
    — L’édifice où je vais emménager à la fin du mois en a déjà une.
    — Où irez-vous ?
    Devant le regard agacé de la cliente, il ajouta bien vite :
    — Si je peux me permettre de le demander.
    — Au Château Saint-Louis.
    Calculant bien vite la commission qu’il pourrait tirer de cette bourgeoise, le commis afficha son sourire le plus mercantile.
    — L’antenne posée là-bas vaut la nôtre. Nous l’avons conçue. Vous avez sans doute remarqué le fil dans votre salon. Vous n’aurez qu’à le relier à l’appareil, et à le brancher au mur. Vous entendrez aussi bien qu’ici.
    Maintenant, une sonate se répandait dans la pièce.
    — Trois cent quatre-vingt-quinze dollars, murmura la cliente en se penchant sur la boîte en noyer. Presque le prix d’une Ford T, et la moitié de celui d’une grosse Essex.

    — Bien sûr, nous avons des appareils moins chers. Voyez celui-ci, pour un peu plus de deux cents dollars.
    Le vendeur s’approcha d’un appareil de table.
    — Ce General Electric, le Radiola 18, a une boîte en acajou...
    — Pour tout de suite, je vais réfléchir à mes moyens. Si je conclus que je dois réduire mes attentes, je verrai.
    La qualité sonore du premier appareil, toujours ouvert à un volume élevé, la séduisait. Pour une fois, elle rêvait d’être déraisonnable.
    — Je peux vous montrer autre chose ?
    — Vous venez de passer tout près de me provoquer une syncope, avec ce prix. Vous ne devriez le révéler qu’en présence d’un médecin. Alors, je m’arrêterai là pour l’instant.
    L’autre marqua une pause, faisant semblant d’apprécier son humour, avant de s’enquérir :
    — ... Vous prenez ces appareils? Je veux dire la cuisinière et la radio.
    — Je me donne les sept prochains jours pour y penser.
    En apprenant l’adresse, l’employé avait pensé améliorer sa prochaine paie.
    — Dans une semaine, dit-il d’un air faussement inquiet, nous ne l’aurons peut-être plus en stock.
    — Dans ce cas, vous m’aurez fait faire une belle économie. Je vous
    remercie,
    monsieur,
    pour
    toutes
    ces
    explications.
    Le «A bientôt» se perdit dans son dos. Un peu plus tard, Thalie montait dans une des nouvelles voitures du tramway de la Quebec Power.

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