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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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demanda Charles après le petit déjeuner.
    — Tu viens tout juste de sortir de table.
    — Ça ne compte pas, des cerises.
    — Bon, dans ce cas...
    L’homme décrocha le vieux chapeau de paille d’un clou.
    Il portait une veste en lin défraîchie, un peu usée aux manches. Cet accoutrement
    lui
    donnait
    l’allure
    d’un
    peintre
    à
    la recherche de beaux paysages. Il ne lui manquait que le chevalet et la mallette pleine de couleurs. Depuis le début de la décennie, des artistes en quête d’authenticité canadienne parcouraient les campagnes et les forêts.
    Béatrice ouvrit la porte d’une armoire pour prendre un pot en verre, tout en disant à la bonne, déjà occupée à faire la vaisselle :
    — Je vais t’en rapporter un peu, Gloria.
    La domestique tout en maigreur remercia la jeune fille.
    Les trois autres femmes de la maison avaient déclaré un peu plus tôt dans la semaine leur dégoût pour ces petits fruits qui laissaient la bouche pâteuse et la langue brunâtre.
    — Je vous accompagnerais bien, déclara la grand-mère depuis son poste de vigie, la chaise berçante près de la fenêtre, mais ces jeux ne sont plus de mon âge.
    En posant la main sur la poignée de la porte, Fernand se tourna vers Eugénie pour demander :
    — Et toi, souhaites-tu te joindre à nous ?
    — Oh ! Non, je ne suis pas en état de le faire.
    Elle tenait sa main posée sur son bas-ventre, la voix un peu traînante. Si le médicament du docteur Picard calmait sa douleur, il la maintenait dans un état de somnolence toute la journée.
    — Repose-toi bien.
    L’homme exprimait une sollicitude nouvelle. Peut-être à cause de son état de santé, ou parce qu’elle craignait vraiment pour le salut de son âme, elle devenait moins cassante qu’au cours des années passées. Une tension moins grande dans la demeure profitait à tout le monde.
    Dehors, le trio se dirigea vers l’extrémité sud des champs, au-delà du chemin public. Charles marchait, courait plutôt loin devant les autres.
    — Elle semble plus gentille, remarqua Fernand à l’intention de sa fille.
    — ... Oui, tu as raison.
    Béatrice convenait un peu à contrecœur de l’adoucissement de sa mère.
    — Elle ne joue pas plus avec nous, mais...
    Elle n’arrivait pas à décrire exactement le changement d’attitude. De toute façon, il demeurait bien subtil: moins de plis soucieux au milieu du front, moins d’impatience dans la voix; plus de tolérance pour les jeux, les cris. Il en résultait une plus grande propension à sourire chez les enfants.
    — Pour cet automne, ça ne changera rien ? demanda la fillette, un peu inquiète.
    — Non, cela ne changera rien. Je sais combien la situation te pèse. Mais ton désir de quitter les ursulines me surprend, tu sais. Elles aussi tiennent un pensionnat.
    L’enfant de onze ans baissa un peu la tête. Sous les larges bords de son chapeau de paille dépassaient ses cheveux d’un blond doré, ondulés. La robe bleue soulignait la couleur des yeux, la pâleur de la peau. Il s’agissait d’une jolie petite fille. Pourtant, elle portait déjà la blessure des railleries de camarades sur son poids. S’éloigner un peu de celles-ci lui ferait du bien, pensait-elle.
    — Elles ne donnent pas le cours classique, répondit-elle, un peu rougissante, incapable d’avouer son véritable motif.
    — Tu tiens à ce point à faire du latin ?
    — Tu en as fait, à mon âge.
    — Sans grand plaisir, tu sais. Mais je m’en tiendrai à notre entente, ne crains rien. Et qui sait, si un jour nos lois deviennent
    moins
    idiotes,
    peut-être
    viendras-tu
    me
    rejoindre dans mon étude. Ce serait bien.
    En disant ces mots, il posa une main légère sur son épaule. Un cri leur parvint de la droite. A deux ou trois arpents, un garçon blond leur adressait de grands signes de la main.
    — Voilà Antoine ! cria Charles.
    Le bambin agitait les deux bras, comme un naufragé sur une île déserte désespéré d’avoir de nouveau des contacts humains. Fernand et Béatrice se montrèrent un peu plus réservés dans leurs salutations.
    — Que fait-il aujourd’hui ? demanda le père.
    — Il doit aider à redresser une clôture. Tu ne trouves pas ça étrange qu’il entre au Petit Séminaire en septembre, et se passionne pour les travaux de la ferme ?
    — Ce sera peut-être le premier diplômé du baccalauréat ès arts à élever des vaches.
    Elle lui jeta un regard interrogateur et reconnut son sourire en coin.
    — Il y

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