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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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voisins un jour.
    — C’est ça, dit l’autre employé de chez PICARD, et moi je marierai la fille de l’archevêque de Québec. Viens-t’en au lieu de faire la conversation. Il nous reste une livraison du côté de Sainte-Foy. On va encore terminer trente minutes après l’heure.
    L’homme se dirigea vers la porte en touchant sa casquette en guise
    de
    salut.
    Jacques
    Létourneau
    prononça
    un
    «Madame» muet avant de fermer derrière lui.
    — Quel curieux bellâtre, murmura la jeune femme en s’asseyant derrière son bureau.
    Elle caressa la surface en bois du bout des doigts, contempla un moment les meubles du salon. Les fauteuils de cuir avaient été placés de part et d’autre d’un guéridon.
    En face, les chaises élégantes étaient disposées de la même façon près de la radio.
    — Toi, ma fille, tu risques de passer bien des soirées toute seule ici, un livre à la main et une jolie musique aux oreilles diffusée par cette «merveille».
    Si cela l’effrayait un peu, voler de ses propres ailes lui paraissait nécessaire. Sinon, elle risquait d’habiter encore dans la chambre de son enfance le jour de ses trente ans, tout comme celui de ses quarante ans. Elle attira le téléphone près d’elle
    et
    demanda
    la
    communication
    avec
    la
    boutique ALFRED. Marie répondit tout de suite. Elle devait se consacrer à sa comptabilité.
    — Allô?
    — Maman, mes meubles viennent tout juste d’arriver.
    Il y eut un silence à l’autre bout du fil, puis la mère rétorqua :
    — Et tu aimerais passer une première nuit dans tes affaires.
    — ... Tu comprends ?

    — Je comprends, même si cela me rend un peu triste.
    Maintenant, je ne peux plus faire semblant, avec Paul, je forme un vieux couple.
    Thalie ressentit un petit pincement au cœur, tenta de prendre une voix joyeuse pour dire :
    — Un couple amoureux est toujours jeune, tu ne crois pas?
    — Si nous le répétons assez souvent, nous arriverons sans doute à tous le croire.
    Un nouveau silence s’installa entre elles. La mère laissa échapper un soupir perceptible dans le cornet du téléphone, puis elle continua avec une gaieté feinte :
    — Tu ne dois pas avoir de draps ni de couvertures.
    — Pas encore, mais en cette saison...
    — Je vais monter te préparer un sac et demander à un taxi de te le porter.
    — Ce n’est pas nécessaire, je t’assure.
    Sur cette protestation, la voix de la jeune femme se fit un peu chevrotante.
    — Tu devras descendre pour le payer, toutefois. Tu as de quoi te changer, demain matin ?
    — Oui, cela ira.
    Le nouveau silence ne dura guère.
    — Demain, que feras-tu ?
    — Je rentrerai à la maison. Et après-demain, je déposerai une valise ici, au passage.
    Depuis quelques jours, elle avait procédé de cette façon pour apporter du linge et des livres.
    — Tu déménageras samedi, comme prévu ?
    — J’ai réservé un petit camion, et les bras de mon grand frère. Amélie s’est chargée d’enrôler le beau David pour donner un coup de main.

    — Avec tous ces muscles, tu seras entre bonnes mains.
    Paul voudra certainement ajouter les siens, pour ne pas paraître si vieux. Bon, je dois te laisser, il me reste un gros sac à préparer.
    Deux heures plus tard, le gardien au rez-de-chaussée lui téléphona pour lui annoncer l’arrivée d’un taxi pour elle. Thalie descendit avec son sac, paya le prix de la course et récupéra un gros paquet. La marchande utilisait souvent ce
    mode
    de
    livraison
    avec
    ses
    meilleures
    clientes.
    Revenue au sixième, la jeune femme déballa une paire de draps, des taies d’oreiller, un oreiller, une couverture, et surtout, une fleur et un petit billet: «Bon vol, ma belle adorée. » Cela lui valut de chercher un mouchoir dans son sac pour s’essuyer les yeux. Ce fut avec un peu de retard qu’elle descendit à la salle à manger, le dernier roman d’Agatha Christie à la main.

    *****
    — Thalie, tu connais un certain Louis Boisvert ?
    Le médecin leva les yeux vers Elise et demanda en posant le dossier de sa patiente sur son bureau :
    — A quoi ressemble-t-il ? Le nom ne me dit rien.
    — Un bel homme, costaud, une figure intéressante. Lui semble te connaître.
    — Non, je ne vois pas.
    — Ah, oui ! Il boite fortement de la jambe gauche.
    La jeune femme eut un sourire, puis elle expliqua :
    — Avec ce détail, j’imagine qui c’est. La dernière fois que je l’ai vu, il était tout pâle, étendu sur une civière, un grand trou dans la

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