Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
la musique en sourdine avant de s’asseoir sur l’une des chaises.
    — C’est un peu étrange de ne pas avoir de canapé, mais comme je vis seule...
    On parlait des causeuses comme de love seats, elle avait soigneusement évité d’en acheter une.
    — Tu ne regrettes pas d’avoir quitté la maison? demanda la mère.
    Comme la voix ne trahissait aucun reproche, elle répondit sans donner le change.
    — Bien sûr, je m’ennuie de vous parfois. En même temps, je suis très bien ici. Je deviens une grande fille. Et de votre côté ?
    — C’est la même chose... Nous passons de parents à grands-parents. Le changement est très net quand les enfants ne parlent plus de la maison comme d’un «chez-nous».
    La pointe de morosité les laissa un moment silencieux.
    — Je vais sans doute aménager un bureau dans ta chambre, intervint Paul. Tu ne m’en voudras pas ?
    La nouvelle lui piqua un peu le cœur, mais elle trouva son meilleur sourire pour répondre :
    — Bien sûr que non. Faire de cette pièce un mausolée serait un peu ridicule.
    Tous les trois cherchaient le mot juste, le ton convenable, comme si ce nouveau cadre changeait tout à fait la familiarité et l’aisance des dernières années.
    — J’ai une nouvelle pour toi, dit Marie après une hésitation. En juin prochain, Paul et moi comptons nous rendre en Europe.
    — C’est une merveilleuse nouvelle. Mais je me demande comment Paul a pu te convaincre de quitter le magasin pendant si longtemps... Car tu seras absente pendant au moins six semaines.
    La traversée à elle seule en prenait une, et le retour une seconde. Seul un séjour un peu prolongé justifiait l’investissement en temps et en argent.
    — Nous serons absents pendant huit, plus probablement neuf semaines ! intervint Paul avec enthousiasme.
    — Tous les Dubuc se sont mis de la partie pour me convaincre, expliqua la femme. Amélie est capable de diriger la boutique pendant la belle saison, et elle m’a assurée de sa présence, et Françoise a promis de venir lui prêter main-forte.
    — Et ses enfants ? Avec deux garçons d’âge scolaire en congé pour l’été, cela ne sera pas facile.
    — Ça, c’est la contribution de Gertrude. Elle assure pouvoir les tenir en main sans mal pendant toutes les grandes vacances.
    — Je n’en doute pas une seconde. Avec Mathieu et moi, elle a acquis une bonne expérience.
    La domestique achèterait leur tranquillité avec des confitures et des gâteaux. Personne ne voulait penser que son état de santé déclinant ne lui faciliterait pas la tâche.
    — Tout de même, reprit Marie, cela me semble un investissement considérable, pour des vacances.
    Une vie à surveiller ses dépenses et à gérer son commerce au plus serré la préparait mal à consentir une pareille somme pour son seul plaisir, ou à ce que son époux le fasse.
    — Maman, si tu ne veux pas t’accorder ce moment de repos, tu écouteras certainement ton docteur. Tu travailles depuis combien de temps ?
    — J’ai commencé en 1895.
    — Tu as pris combien de semaines de congé ?
    — Depuis que je connais Paul, quelques-unes.
    Elle disait vrai. Cet homme avait pu l’entraîner à Rivière-du-Loup tous les ans, et parfois un peu plus loin.
    — Ce n’est pas assez, je te prescris dix semaines de repos en 1929, et en bonne compagnie en plus.
    — Tu as un excellent médecin, déclara l’époux en souriant. Je te conseille de l’écouter.
    Elle hocha la tête, heureuse de céder devant cette insistance.
    — Je vais acheter les billets cette semaine, ajouta son mari. Ce sera le meilleur moyen de ne pas te voir changer d’idée.
    La petite horloge sur son bureau sonna bientôt sept heures. Thalie se leva en disant:
    — Nous allons descendre dans la salle à manger. J’ai réservé une table.
    — Tu ne manges jamais dans ton appartement? s’inquiéta la mère.
    — Si tu te souviens bien, je ne devais pas acheter de vaisselle.
    Dans les faits, elle avait triché un peu en se procurant deux couverts. Mais les repas qu’elle se donnait la peine de préparer étaient trop sommaires pour les imposer à des invités.
    Pour descendre, elle prit le temps de revêtir une veste et d’enfiler des gants. Le trio se rendit dans une élégante pièce où s’alignaient une vingtaine de tables. Plusieurs locataires étaient attablés, de nombreux hommes seuls, quelques couples. Ils se répartissaient entre des personnes en début de carrière, les autres à la fin. L’endroit

Weitere Kostenlose Bücher