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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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qui as construit tout cela ? demandai-je enfin.
    J'étais persuadée du contraire, et Noah, à mon soulagement, secoua la tête.
    — Non, je ne suis pas seul. YHVH le construit avec moi.
    — YHVH-Élohim ?
    Sa réponse m'ébranla. Était-il sérieux ?
    — Oui, YHVH est venu et Il m'a dit : « Toi et Moi, nous allons construire une arche qui voguera sur les flots. » Il m'a donné les dimensions, tant de hauteur, tant de longueur et de largeur. « Et tu feras trois toits l'un sur l'autre... » Tous les détails, je les ai reçus de Lui. Et aussi le savoir et la patience pour réaliser cette arche. Regarde la mare noire, là-bas.
    Noah me désigna, à cinq ou six cents pas, une mare oblongue et plus noire que la nuit. Elle était si brillante que le bleu du ciel s'y reflétait.
    — C'est du bitume, m'expliqua-t-il. On en enduit le bois. Cela empêche l'eau de pénétrer dans les veines et de les pourrir. C'est le plus dur du travail qu'il me reste à faire. Ensuite, cette arche pourra voguer.
    Ses mots avaient-ils un sens ?
    Je me sentis saisie d'une infinie tristesse. Noah, mon Noah que j'étais prête à prendre contre moi comme une femme doit prendre un homme contre elle ! Mon Noah était-il vraiment fou ?
    — Voguer ? Mais que dis-tu, Noah ? Ici, il n'y a pas de fleuve, tu le vois bien ! Le fleuve est loin, au-delà de la forêt. Et pourquoi ce coffre immense devrait-il voguer ? À quoi cela servirait-il ?
    Le visage de Noah changea. Une brise passa sur ses yeux, sa bouche et son front tel un rayon de soleil qui traverse un feuillage et en modifie la couleur. Son sourire devint doux, puis finalement empli de chagrin.
    Il me saisit les mains et les pressa contre ses lèvres. Pour la toute première fois j'en connus la tendresse. Une tendresse mélangée à une dévotion qui aujourd'hui, tant de temps après, me fait encore battre le sang dans la poitrine.
    — Oui, cela me servira. Et à YHVH bien plus encore, me dit-il doucement.
    Alors il m'expliqua.
     
    Je sus ce que serait le châtiment de YHVH envers tous les vivants qu'Il avait créés aux jours premiers de l'Éden.
    Et j'appris qui, des hommes et des bêtes, Il épargnerait.
     
    Noah me laissa longtemps dans le silence, emplie d'effroi, d'incrédulité et de terreur. Puis il reprit :
    — Il m'a dit : « Fais entrer dans ton coffre une paire de tous les vivants, mâle et femelle, une paire de chaque pour survivre avec toi et avec ceux qui vont avec toi, ta femme, les fils et les filles qui te viendront d'elle. » Je Lui ai dit : « Oh YHVH, de femme, je n'en ai pas. » Il a répondu : « Tu en as une, elle vient, tu la reconnaîtras. » C'était il y a des lunes. J'ai presque osé penser que YHVH se trompait. De femme, je n'en voyais pas venir que je reconnaisse. Puis mon père Seth m'a dit : « Fils, laisse tes travaux pour quelques jours. Allons voir si le Sihon est toujours infesté d'idolâtres ou s'il est redevenu poissonneux. » Oh, notre surprise quand nous t'avons découverte, Nahamma ! Toi, si semblable à Ève, au fond de l'arche que ceux d'Hénoch ne savaient pas diriger. Et quand tu t'es réveillée dans la hutte de branchages, j'ai su. Celle qui doit me donner des fils et des filles était arrivée. Ce voyage voulu par YHVH, nous le ferons ensemble. Le veux-tu ?
     

13
    Faire ce voyage avec Noah, bien sûr que je le voulais. Je le voulais comme on veut le bonheur. Pourtant, rien ne m'effrayait davantage que ces mots terribles prononcés par Noah avec tant de douceur.
    Oh, ce moment sur le toit de l'arche de Noah ! Le souvenir est le seul Éden dont nous ne puissions pas être expulsés. Ma mémoire n'a besoin d'aucun tissage, d'aucune tache de couleur pour être ravivée. Il n'est pas de jours sans que ce moment me revienne, aussi net et présent que le piaillement des volailles picorant à l'instant même devant mon appentis.
     
    Le vertige qui me prit n'était que l'effet des paroles prononcées par Noah, non celui de la terre si loin de nous. Je pressai ses doigts contre ma bouche. Les larmes me vinrent, heureuses par-delà la peine, m'aveuglant. Balbutiante, je remerciai YHVH. Un instant, ma joie fut si complète qu'elle estompa en moi toute la douleur.
    La main de Noah se posa sur ma nuque, ses lèvres baisèrent mes yeux emplis de larmes. Jamais je n'avais autant désiré que le temps cesse, qu'il s'efface comme dans le jardin de l'Éden.
    Enfin, le calme de Noah

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