Excalibur
chaleureusement Guenièvre. Je pense que nous avons de la
chance de t’avoir ici. » Elle avait dit exactement les mots qu’il fallait
et Bors, que cette rencontre avait embarrassé, se sentit soudain envahi d’une
joie empreinte de timidité. Il murmura qu’il était content de la voir, mais n’étant
pas homme à tourner élégamment un compliment, il s’empourpra.
« Puis-je
supposer que ton ancien seigneur est avec les Saxons ? lui demanda
Guenièvre.
— Oui,
Dame.
— Alors,
je prie pour qu’il vienne à portée de mon arc.
— C’est
peu probable, Dame, répondit Bors qui savait combien Lancelot répugnait à se
mettre en danger, mais vous aurez beaucoup de Saxons à tuer avant la fin du
jour. Plus qu’assez. »
Et il avait
raison car, en dessous de nous, là où le soleil dissipait les dernières brumes
de la rivière, la horde saxonne se rassemblait. Cerdic et Aelle, croyant que
leur plus grand ennemi était piégé sur le Mynydd Baddon, se préparaient à nous
livrer un assaut écrasant. Ce ne serait pas une attaque subtile, car aucune
troupe de lanciers ne fut disposée pour nous prendre à revers. La force
écrasante qui allait gravir la face sud du mont suffirait à nous battre à plate
couture. Des centaines de guerriers se rassemblaient et leurs lances en rangs
serrés brillaient dans la lumière de l’aube.
« Combien
sont-ils ? me demanda Guenièvre.
— Beaucoup
trop, Dame, dis-je sombrement.
— C’est
la moitié de leur armée, répondit Bors, et il lui expliqua que les rois saxons
croyaient qu’Arthur et ses meilleurs hommes étaient coincés sur la colline.
— Alors,
il les a bernés ? demanda Guenièvre non sans une note de fierté.
— Nous
aussi, dis-je d’un ton morne en montrant la bannière d’Arthur qu’agitait
mollement une brise légère.
— Alors,
il faut les vaincre », répliqua-t-elle vivement, mais comment, je ne le
voyais pas. Je ne m’étais jamais senti aussi impuissant depuis que j’avais été
coincé sur l’Ynys Mon par les hommes de Diwrnarch, et encore, en cette sinistre
nuit, j’avais eu Merlin pour allié et sa magie nous avait tirés du piège. Aujourd’hui,
ce n’était pas le cas et je ne pouvais rien prévoir, que notre perte.
Pendant toute
la matinée, j’observai les Saïs qui se regroupaient parmi le blé en herbe,
tandis que des sorciers dansaient dans leurs rangs et que leurs chefs
haranguaient les lanciers. L’avant-garde restait à peu près en rangs, car c’étaient
des guerriers entraînés qui avaient prêté serment à leurs seigneurs, mais les
autres devaient constituer l’équivalent de notre levée, les Saxons appelaient
cela le fyrd , et ces hommes changeaient sans cesse de place. Certains se
rendaient à la rivière, d’autres revenaient aux campements, et de notre
position dominante, on aurait cru voir un vaste troupeau que des bergers
tentaient de rassembler ; dès qu’une partie de l’armée était regroupée,
une autre se dispersait, et tout le travail était à refaire, et sans cesse,
leurs tambours résonnaient. Ils se servaient de grands rondins creux qu’ils
frappaient avec des gourdins, si bien que cette pulsation de mort se
répercutait de la pente boisée jusque sur le versant opposé de la vallée. Les
Saxons devaient boire de la bière, car il leur faudrait du courage pour venir s’embrocher
sur nos lances. Certains des miens lampaient de l’hydromel. Je déconseillai
cette pratique, mais obtenir d’un soldat qu’il cesse de boire, c’est comme d’empêcher
un chien d’aboyer, et beaucoup de mes hommes avaient besoin du feu que l’hydromel
allumait dans leurs entrailles, car ils savaient compter aussi bien que moi. Un
millier allaient s’en prendre à moins de trois cents autres.
Bors avait
demandé que ses guerriers et lui se battent au centre de notre ligne et j’avais
accepté. J’espérais qu’il mourrait vite, abattu par une hache ou transpercé par
une lance, car s’il était pris vivant, sa mort serait longue et horrible. Les
transfuges avaient gratté leurs boucliers pour en effacer l’emblème de
Lancelot, et ils buvaient maintenant de l’hydromel, ce dont je me gardai de les
blâmer.
Issa était
sobre. « Ils vont nous déborder, Seigneur, dit-il, inquiet.
— Sûrement. »
J’aurais voulu dire quelque chose de plus utile, mais en vérité j’étais
paralysé par les préparatifs ennemis et incapable de trouver ce qu’il faudrait
faire. Je ne
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