Excalibur
devant la tombe de
Tewdric. Il n’y eut pas de bûcher funéraire, ni de chant de lanciers, juste un
trou froid dans la terre, une douzaine de prêtres branlant du chef et une ruée
manquant totalement de dignité vers la ville et ses tavernes quand Tewdric fut enfin
enterré.
Meurig nous
ordonna, à Galahad et à moi, de souper avec lui. Peredur, le neveu de mon
compagnon, nous rejoignit, ainsi que l’évêque de Burrium, un homme lugubre
appelé Lladarn à qui nous devions les plus assommantes prières de ce jour, et
il entama le repas par une prière interminable après laquelle il me
questionna sévèrement sur l’état de mon âme et fut désolé d’apprendre qu’elle
était sous la bonne garde de Mithra. Une telle réponse aurait dû irriter
Meurig, mais le roi était trop distrait pour remarquer ma provocation. Je sais
qu’il ne pleurait pas outre mesure la mort de son père car il lui en voulait toujours
d’avoir repris le pouvoir lors de la bataille du Mynydd Baddon, pourtant il
affectait d’être affligé et nous agaça par ses louanges hypocrites de la
sainteté et de la sagacité du défunt. J’exprimai l’espoir que ses derniers
instants avaient été paisibles et il me dit que son père était mort de faim à
force de vouloir imiter les anges. « À la fin, il n’avait plus que la peau
et les os, oui, la peau et les os ! précisa Lladarn. Mais les moines disent
qu’il rayonnait d’une lumière céleste, loué soit Dieu !
— Et
maintenant le saint est assis à la droite de Dieu, où je le rejoindrai un jour,
dit Meurig en se signant. Goûte donc aux huîtres, Seigneur. » Il poussa un
plat d’argent vers moi, puis se versa du vin. C’était un jeune homme pâle aux
yeux exorbités, à la barbe rare, dont les manières pédantes m’irritaient fort.
Comme son père, il singeait les Romains. Il portait une toge, un bandeau de
bronze sur des cheveux qui s’éclaircissaient, et mangeait étendu sur une
couche. Ces lits étaient très inconfortables. Il avait épousé une princesse du
Rheged, à l’air triste et bovin ; arrivée païenne dans le Gwent, elle
pondit deux jumeaux mâles, puis son âme entêtée fut conduite à coups de fouet
au baptême. Elle apparut durant un moment dans la salle du souper faiblement
éclairée, nous lorgna, ne dit rien, ne mangea pas plus, puis disparut aussi
mystérieusement qu’elle était apparue.
« Vous
avez des nouvelles de Mordred ? nous demanda Meurig après la brève visite
de son épouse.
— Nous n’avons
rien appris de nouveau, Seigneur Roi, répondit Galahad. Il est assiégé par
Clovis, mais vit-il ou non, nous l’ignorons.
— J’ai eu
de ses nouvelles, dit Meurig, content de les avoir reçues avant nous. Un
marchand est arrivé hier de Brocéliande et nous a dit que Mordred était aux
portes de la mort. Sa blessure s’est infectée. » Le roi se cura les dents
avec un éclat d’ivoire. « Ce doit être le jugement de Dieu, Prince
Galahad, oui, le jugement de Dieu.
— Loué
soit Son nom », intervint l’évêque Lladarn. Sa barbe grise était si longue
qu’elle traînait sous sa couche. Il s’en servait comme d’une serviette,
essuyant ses mains graisseuses sur ses longues mèches grumeleuses de saleté.
« Nous
avons déjà entendu de telles rumeurs, Seigneur Roi.
— Le
marchand semblait très sûr de lui, répondit Meurig en haussant les épaules,
puis il goba une huître. Si Mordred n’est pas déjà mort, cela ne saurait
tarder, et il ne laisse pas d’enfant !
— C’est
vrai, dit Galahad.
— Perddel
de Powys est aussi sans héritier, poursuivit Meurig.
— Perddel
est célibataire, Seigneur Roi, fis-je remarquer.
— Mais
cherche-t-il à se marier ? nous demanda Meurig.
— On a
parlé d’une union avec une princesse du Kernow, dis-je, et certains rois irlandais
lui ont offert leur fille, mais sa mère souhaite qu’il attende encore une année
ou deux.
— Il est
mené par sa mère, hein ? Pas étonnant qu’il soit faible, si faible,
déclara Meurig de sa voix prétentieuse, agressive. J’ai entendu dire que les
collines, dans l’ouest du Powys, étaient pleines de hors-la-loi.
— Moi
aussi, Seigneur Roi. » Depuis la mort de Cuneglas, des hommes sans maître
hantaient les montagnes longeant la mer d’Irlande, et la campagne d’Arthur au
Powys, au Gwynedd et au Lleyn n’avait fait qu’accroître leur nombre. Certains
de ces réfugiés étaient des
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