Excalibur
dit Galahad, je doute qu’on puisse y embarquer des chevaux.
— Alors,
nous combattrons sans chevaux, répliqua Gwydre.
— Il se
peut même que nous n’ayons pas besoin de combattre, dit Arthur. Si nous
arrivons les premiers en Dumnonie, et si Sagramor nous rejoint, je pense que le
jeune Meurig hésitera peut-être. Et si Œngus Mac Airem envoie une bande de guerriers
en direction du Gwent, cela effraiera encore plus Meurig. Nous pourrons
probablement lui glacer l’âme si nous paraissons assez menaçants.
— Pourquoi
Œngus nous aiderait-il à combattre sa propre fille ? demandai-je.
— Parce
qu’il n’en fait pas grand cas, répondit Arthur. Et nous ne combattons pas sa
fille, Derfel, nous combattons Sansum. Argante peut rester en Dumnonie, mais
elle ne saurait être reine si Mordred est mort. » Il éternua de nouveau. « Je
pense, Derfel, que tu devrais partir bientôt là-bas.
— Pour y
faire quoi, Seigneur ?
— Démasquer
le Seigneur des Souris. Il complote, il a besoin qu’un chat lui donne une leçon
et tu as des griffes affilées. Et puis tu peux déployer la bannière de Gwydre.
À moi c’est impossible, parce que cela provoquerait trop Meurig, mais toi, tu
peux traverser la Severn sans éveiller de soupçons, et quand la nouvelle de la
mort de Mordred arrivera, tu proclameras le nom de Gwydre à Caer Cadarn et tu
empêcheras Sansum et Argante d’atteindre le Gwent. Mets-les tous deux sous
bonne garde et dis-leur que c’est pour les protéger.
— J’aurai
besoin d’hommes.
— Prends-en
plein un bateau, et mets à contribution ceux d’Issa, répondit Arthur tout
revigoré par la nécessité de prendre des décisions. Sagramor te fournira des
troupes, et dès que j’apprendrai la mort de Mordred, j’amènerai Gwydre avec
tous mes lanciers. Si je suis encore vivant, bien sûr, dit-il en éternuant de
nouveau.
— Tu
survivras, dit froidement Galahad.
— La
semaine prochaine, Derfel, pars la semaine prochaine. » Arthur me regarda
de ses yeux rougis par le rhume.
« Oui,
Seigneur. »
Il se pencha
pour jeter une autre poignée de charbon de bois dans le fourneau ardent. « Les
Dieux savent que je n’ai jamais désiré ce trône, mais d’une manière ou d’une
autre, j’ai passé ma vie à combattre pour lui. » Il renifla. « Nous
allons former une flottille, Derfel, et tu rassembleras les lanciers à Caer Cadarn.
Si nous avons l’air assez forts, Meurig y réfléchira à deux fois.
— Sinon ?
— Nous
aurons perdu. À moins de déclencher une guerre, et je ne suis pas certain de le
vouloir.
— Vous ne
désirez jamais la guerre, Seigneur, mais vous gagnez toujours les batailles.
— Jusqu’ici,
répliqua Arthur, jusqu’ici. »
Il ramassa ses
pinces pour sortir le fer du feu, et je partis à la recherche du bateau grâce
auquel je pourrais m’emparer d’un royaume.
Le lendemain
matin, à la marée descendante, par un vent d’ouest dont les coups de fouet
crêtaient l’Usk de vagues courtes et fortes, j’embarquai sur le bateau de mon
beau-frère, Balig, pêcheur qui avait épousé Linna, ma demi-sœur. Cela l’avait
amusé de découvrir qu’il était parent d’un seigneur de Dumnonie. Il avait aussi
su tirer profit de cette parenté imprévue, mais méritait sa bonne fortune car c’était
un homme compétent et honnête. Il ordonna à six de mes lanciers de prendre les
longues rames de son embarcation et aux quatre autres de s’accroupir dans la
sentine. Je n’avais à Isca qu’une douzaine d’hommes, le reste étant avec Issa,
mais j’estimais qu’avec ces dix-là, je pouvais arriver sain et sauf à Dun Caric.
Balig me fit asseoir sur un coffre, près du gouvernail. « Et vomis
par-dessus le plat-bord, Seigneur.
— N’est-ce
pas ce que je fais toujours ?
— Non. La
dernière fois, t’as rempli les dalots de ton petit-déjeuner. C’est gâcher la
nourriture des poissons, ça. Largue les amarres, crapaud bouffé aux vers ! »
cria-t-il à son équipage, un esclave saxon qui avait été fait prisonnier lors
de la bataille du Mynydd Baddon, mais qui maintenant avait une épouse bretonne,
deux enfants et entretenait une amitié bruyante avec Balig. « Il s’y
connaît en bateau, ça je peux le dire », déclara Balig en parlant du
Saxon, puis il se pencha sur l’amarre arrière qui rattachait encore l’embarcation
à la rive. Il était sur le point de larguer la corde lorsqu’un cri retentit
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