Excalibur
répondis-je.
Il y eut un
silence. « Ton nom ? exigea la voix.
— Derfel,
fils d’Aelle. »
Je criai le
nom de mon père comme un défi, et il dut les désarçonner car, de nouveau, j’entendis
des murmures, puis, un moment plus tard, six hommes traversèrent les ronciers
pour pénétrer dans la clairière. Tous portaient les épaisses fourrures que les
Saxons adoptaient pour armure et tenaient des lances. L’un d’eux était coiffé d’un
casque orné de cornes et celui-là, leur chef sans doute, s’avança jusqu’au bord
de la route, à une douzaine de pas de moi. « Derfel, dit-il. J’ai déjà
entendu prononcer ce nom, et ce n’est pas un nom saxon.
— C’est
mon nom et je suis saxon.
— Un fils
d’Aelle ? » Il était méfiant.
« En
effet. »
Il m’étudia un
moment. Il était grand, avec une masse de cheveux bruns sous son casque cornu.
Sa barbe lui descendait presque jusqu’à la taille et ses moustaches tombaient
jusqu’au bord du plastron de cuir qu’il portait sous son manteau de fourrure.
Il devait s’agir d’un chef de clan local, ou peut-être d’un guerrier chargé de
garder cette partie de la frontière. De sa main libre, il tordit l’une de ses
moustaches, puis la laissa se désentortiller. « Hrothgar, fils d’Aelle, je
connais, dit-il d’un air pensif, et Cyrning, fils d’Aelle, est un de mes amis.
Penda, Saebold et Yffe, fils d’Aelle, je les ai vus dans la bataille, mais
Derfel, fils d’Aelle ? » Il fit non de la tête.
« Tu le
vois devant toi », répliquai-je.
Il soupesa sa
lance, remarquant que mon bouclier était toujours suspendu à ma selle. « Derfel,
ami d’Arthur, j’en ai entendu parler, dit-il d’un ton accusateur.
— Tu le
vois aussi, et il a une affaire à traiter avec Aelle.
— Aucun
Breton n’a d’affaire à traiter avec Aelle, dit-il, et ses hommes grognèrent
pour exprimer leur assentiment.
— Je suis
Saxon, rétorquai-je.
— Alors,
qu’est-ce que tu viens faire ?
— C’est à
mon père de l’entendre, et à moi de le lui dire. Tu n’y as aucune part. »
Il se retourna
et fit un geste à ses hommes. « Nous allons y prendre part.
— Ton nom ? »
demandai-je.
Il hésita,
puis décida que me livrer son nom ne lui ferait aucun tort. « Ceolwulf,
fils d’Eadbehrt.
— Alors,
Ceolwulf, crois-tu que mon père te récompensera lorsqu’il apprendra que tu as
retardé mon arrivée ? Qu’espères-tu de lui ? De l’or ? Ou un
tombeau ? »
Je jouais
gros, mais cela marcha. J’ignorais complètement si Aelle m’embrasserait ou me
tuerait, mais Ceolwulf craignait suffisamment le courroux de son roi pour m’accorder
à contrecœur le passage et une escorte de quatre lanciers qui s’enfoncèrent
avec moi de plus en plus profondément dans les Terres Perdues.
Je m’engageai
ainsi dans un territoire que peu de Bretons libres avaient foulé depuis une
génération. C’était le centre stratégique de mes ennemis et, pendant deux
jours, je le traversai à cheval. Au premier coup d’œil, le paysage ne me sembla
guère différent de la campagne bretonne, car les Saxons qui s’étaient emparés
de nos champs les cultivaient à peu près comme nous, mais je remarquai que
leurs meules étaient plus hautes et plus carrées que les nôtres, et leurs
maisons construites plus solidement. La plupart des villas romaines étaient
désertes, bien qu’ici ou là un domaine fût encore exploité. À ce que je pus
voir, il n’y avait pas d’église chrétienne ni de lieu saint, mais nous passâmes
devant une idole bretonne au pied de laquelle quelques petites offrandes
avaient été déposées. Des Bretons vivaient encore là et certains possédaient
même leur propre lopin, mais la plupart étaient esclaves ou avaient épousé des
Saxons. Les noms des lieux avaient changé et mon escorte ne savait même pas
comment on les appelait du temps où ils étaient encore bretons. Nous
traversâmes Lycceword et Steortford, puis Leodasham et Celmeresfort qui, malgré
leurs étranges noms saxons, semblaient fort prospères. Ce n’étaient pas là des
fermes occupées par des envahisseurs, mais les demeures d’un peuple durablement
établi. À Celmeresfort, nous tournâmes vers le sud, passant par Beadewan et
Wicford, et tandis que nous chevauchions, mes compagnons me racontèrent
fièrement que nous traversions des terres cultivées que Cerdic avait restituées
à Aelle durant cet été. C’était ainsi,
Weitere Kostenlose Bücher