Excalibur
le tour de la salle des yeux,
invitant quelqu’un à me défier. Personne ne réagit, et Aelle regarda de haut
son royal compagnon. « Je ne romprai nul accord passé avec vous, Cerdic.
Nos lances agiront ensemble et rien de ce que mon fils dira ne pourra empêcher
notre victoire. »
Cerdic ôta une
fibre de viande coincée entre ses dents. « Son crâne, dit-il en me
montrant du doigt, fera un bel étendard pour notre bataille. Je veux qu’il
meure.
— Alors,
tuez-le », répliqua Aelle d’un air méprisant. Ils avaient beau être
alliés, il n’y avait guère d’affection entre eux. L’ambition de Cerdic
déplaisait fort à Aelle, tandis que le jeune monarque trouvait que son aîné
manquait de cruauté.
Cerdic
accueillit le défi d’Aelle avec un demi-sourire. « Pas moi, dit-il d’une
voix douce, mais mon champion exécutera le travail. » Il fouilla la salle
du regard, découvrit l’homme qu’il cherchait et pointa le doigt sur lui. « Liofa !
Il y a une vermine ici. Tue-la ! »
Les guerriers
poussèrent de nouveaux vivats. Ils se délectaient à l’idée d’un combat et sans
doute qu’avant la fin de la nuit la bière qu’ils buvaient causerait plus d’une
bagarre mortelle, mais un duel à mort entre le champion d’un roi et le fils d’un
autre roi était un spectacle bien plus excitant qu’une querelle d’ivrogne, et
un meilleur divertissement que la mélodie des deux harpistes qui nous
contemplaient depuis les angles de la salle.
Je me
retournai pour voir mon adversaire, espérant qu’il serait à moitié saoul, et
donc une proie plus facile pour Hywelbane, mais l’homme qui s’avança entre les
convives n’était pas du tout ce que j’avais escompté. Je pensais qu’il serait
grand et fort, à peu près du gabarit d’Aelle, mais ce champion était un
guerrier maigre, agile, au visage calme et rusé, que ne marquait aucune
cicatrice. Il me toisa d’un coup d’œil impavide tout en laissant tomber sa
cape, puis tira de son fourreau en cuir une longue épée à lame mince. Il avait
peu de bijoux, rien qu’un simple torque d’argent, et ses vêtements ne portaient
aucun de ces signes distinctifs que les champions aimaient arborer. Tout en lui
respirait l’expérience et la hardiesse, et son visage indemne suggérait soit
une chance monstrueuse, soit un talent peu ordinaire. Il avait de plus l’air
effroyablement sobre tandis qu’il s’avançait dans l’espace libre, devant la
table d’honneur, et saluait les lois.
Aelle parut
troublé. « Pour pouvoir parler avec moi, tu dois survivre à Liofa, me
dit-il. Tu peux aussi partir et rentrer chez toi sain et sauf. » Les
guerriers huèrent cette suggestion.
« Je
parlerai avec vous, Seigneur Roi », répondis-je.
Aelle opina du
chef, puis s’assit. Il semblait chagrin, et je devinai que Liofa avait une
effroyable réputation. Il devait être bon, sinon il ne serait pas le champion
de Cerdic, mais je lus sur le visage d’Aelle qu’il était plus que bon.
Pourtant, j’avais
aussi une réputation qui parut inquiéter Bors, car il chuchota d’un air
pressant à l’oreille de Lancelot. Une fois que son cousin eut terminé, ce
dernier convoqua l’interprète qui, à son tour, parla à Cerdic. Le roi l’écouta,
puis me lança un regard sombre. « Comment savoir si votre fils ne porte
pas sur lui une amulette de Merlin ? »
Les Saxons
avaient toujours craint notre druide, et cette suggestion les fit gronder de
colère.
Aelle fronça
les sourcils. « En portes-tu une, Derfel ?
— Non,
Seigneur Roi. »
Cerdic n’était
pas convaincu. « Ces hommes pourraient reconnaître la magie de Merlin »,
insista-t-il en désignant Lancelot et Bors ; puis il parla à l’interprète
qui transmit ses ordres à Bors. Celui-ci haussa les épaules, se leva, contourna
la table et descendit de l’estrade. Il hésita en s’approchant de moi, mais j’étendis
les bras afin de montrer que je ne lui voulais aucun mal. Bors examina mes
poignets, y cherchant peut-être des brins d’herbe noués ou quelque autre
amulette, puis il délaça mon justaucorps de cuir. « Prends garde à lui,
Derfel », murmura-t-il en breton et, surpris, je compris que Bors n’était
pas vraiment un ennemi. Il avait persuadé Lancelot et Cerdic qu’il fallait me
fouiller juste pour pouvoir me chuchoter un avertissement. « Il est aussi
rapide qu’une belette, poursuivit-il, et combat des deux mains. Fais attention
à ce bâtard
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