Excalibur
fit signe, avec
son bâton. « Viens. »
Je passai
devant les pierres levées et la suivis jusqu’à une grotte, creusée dans la
falaise. Elle n’était pas profonde, mais assez large pour abriter un homme
étendu sur le dos, et d’abord, je crus en voir un, nu, couché dans l’ombre.
Olwen m’avait rejoint et tentait de me prendre par la main, mais je la
repoussai tandis qu’autour de moi les fous se pressaient pour voir ce qu’il y
avait sur le sol rocheux de la caverne.
Un petit feu y
couvait et, à sa faible lueur, je m’aperçus que ce n’était pas un homme, mais
une femme d’argile, grandeur nature, aux seins grossièrement modelés, aux
jambes écartées et au visage ébauché. Nimue se pencha pour entrer et alla s’accroupir
à côté de la tête. « Contemple ta femme, Derfel Cadarn. »
Olwen rit et
me sourit. « Ta femme, Seigneur ! » dit-elle, au cas où je n’aurais
pas compris.
Je regardai la
grotesque forme d’argile. « Ma femme ?
— C’est l’Autre
Corps de Ceinwyn, imbécile ! Et je suis son fléau. » Il y avait un
panier effrangé au fond de la caverne, la Corbeille de Garanhir, un autre
Trésor de Bretagne, et Nimue en tira un bouquet de baies séchées. Elle se
pencha et enfonça l’une d’elles dans l’argile, non cuite, du corps de la femme.
« Un nouveau furoncle, Derfel ! dit-elle, et je vis que la surface
était piquetée de baies. Et un autre, et encore un autre ! » Elle
rit, enfonçant les baies séchées dans l’argile rouge. « Allons-nous la
faire souffrir, Derfel ? Allons-nous la faire crier ? » En prononçant
ces mots, elle tira de sa ceinture un couteau grossièrement façonné, le Couteau
de Laufrodedd, et planta sa lame ébréchée dans la tête de la femme d’argile. « Oh,
elle hurle maintenant ! Ils essaient de la maintenir sur sa couche, mais
la douleur est si terrible, si terrible ! » Et en même temps, elle
tortillait la lame dans la plaie et, soudain, je devins enragé et me penchai
pour franchir l’entrée de la caverne, mais Nimue lâcha aussitôt le couteau et
posa deux doigts sur les yeux d’argile. « Vais-je l’aveugler, Derfel,
est-ce ce que tu veux ? siffla-t-elle.
— Pourquoi
fais-tu cela ? »
Elle retira le
Couteau de Laufrodedd du crâne torturé. « Laissons-la dormir,
roucoula-t-elle, ou peut-être que non ? » Et là-dessus, elle éclata d’un
rire dément et tira de la Corbeille de Garanhir une louche en fer, recueillit
des braises brûlantes dans le feu qui fumait et les éparpilla sur le corps ;
j’imaginai Ceinwyn frissonnant et hurlant, le dos arqué sous l’effet de cette
soudaine douleur, et Nimue rit de ma rage impuissante. « Pourquoi est-ce
que je fais cela ? Parce que tu m’as empêché de tuer Gwydre. Et parce que
tu pourrais ramener les Dieux sur terre. Voilà pourquoi. »
Je la regardai
fixement. « Tu es folle, toi aussi, dis-je doucement.
— Que
sais-tu de la folie ? me cracha Nimue. Toi et ton petit esprit, ton petit
esprit pathétique. Crois-tu pouvoir me juger ? Oh, la douleur ! »
Et elle poignarda les seins d’argile. « La douleur ! La douleur ! »
Les fous, derrière moi, se joignirent à elle pour crier : « La
douleur ! La douleur ! » Ils exultaient, certains
applaudissaient, d’autres riaient, ravis.
« Arrête ! »
criai-je.
Nimue s’accroupit
au-dessus de la forme torturée, le couteau brandi. « Tu veux que je te la
rende, Derfel ?
— Oui. »
J’étais au bord des larmes.
« Elle t’est
très précieuse ?
— Tu le
sais bien.
— Tu
coucherais plus volontiers avec ça qu’avec Olwen ? demanda Nimue en
montrant la grotesque forme d’argile.
— Je ne
couche qu’avec Ceinwyn.
— Alors,
je vais te la rendre, dit Nimue et elle caressa tendrement le front d’argile.
Je vais te rendre ta Ceinwyn, promit-elle, mais avant, tu dois me donner ce qu’il
y a de plus précieux pour moi. C’est mon prix.
— Et qu’est-ce
qui est le plus précieux pour toi ? demandai-je, sachant la réponse avant
qu’elle me la donne.
— Il faut
m’apporter Excalibur, Derfel, et me livrer Gwydre.
— Pourquoi
Gwydre ? Ce n’est pas le fils d’un souverain.
— Parce
qu’il a été promis aux Dieux et que les Dieux exigent ce qui leur a été promis.
Tu dois me l’amener avant que la prochaine lune soit pleine. Tu apporteras l’épée
et Gwydre là où les eaux se rencontrent, au pied de Nant Dduu. Tu connais cet
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