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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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toi et de nous tous, après-demain, sur le parvis du grand marché, si je n’étais pas allée me percher sur ce palmier ?
    Agitant sa main pansée où le lin des bandelettes commençait à se teinter de rouge, elle jeta à la face des trois hommes qui la regardaient :
    — Depuis des jours, vous savez que les mauvais veulent le sang de mon père. Et que faites-vous ? Rien. Vous parlez, c’est tout. Vous dites : « Soyons prudents. » Vous vous croyez tous capables de protéger mon père. Mais non ! Vous êtes trop faibles et trop ignorants !
    La voix de Fatima se brisa sur ces derniers mots. La tête lui tournait. Devant ses yeux, les murs et le sol se mirent à danser. Elle retomba sur sa couche. Ashemou caressa ses longs cheveux, bouclés comme ceux de sa mère. Quoi que Fatima en dise, les autres avaient au moins raison sur ce point : elle était épuisée et bien incapable de marcher jusqu’à la chambre de Muhammad.
    Dans le silence qui suivit, Abdonaï remarqua avec un grognement amusé :
    — Elle n’est pas la fille de son père pour rien, Abu Bakr. Tu as ton caractère, et elle a le sien..
    — Oui, approuva Tamîn.
    Il eut un sourire en direction de Fatima et, peut-être, dans la lumière vacillante, eut-il un geste d’approbation.
    — Elle a été courageuse, ajouta-t-il. Et, même si cela ne nous plaît pas, elle dit un peu de vrai.
    Fatima n’entendit pas le marmonnement d’Abu Bakr en réponse. Elle leur tournait le dos, fixant le mur, la tête douloureuse et bourdonnante.
    Le frottement de la tenture de porte lui annonça que les compagnons de son père quittaient la pièce. Restées seules, Ashemou et la tante Kawla s’affairèrent derrière elle.
    Après un moment, sa voix ayant retrouvé de l’assurance, Fatima ne put s’empêcher de lancer :
    — Comme ils sont bêtes, tout sérieux qu’ils se montrent !
    Kawla eut un rire léger. Fatima sentit sa main se poser tendrement sur sa nuque et ses doigts effleurer son front blessé.
    — Il est des moments où je crois entendre ta mère parler par ta bouche. En revanche, elle savait parfois taire ce qu’elle pensait. Il est temps que tu l’apprennes toi aussi.
    Ce furent les derniers mots que Fatima entendit avant de sombrer dans le sommeil.

Père et fille
    Ce fut d’abord comme dans un rêve. Fatima crut voir la tante Kawla s’incliner sur elle et de nouveau caresser son front blessé. La pièce était plongée dans le noir, pourtant elle voyait chaque chose distinctement. Voici Ashemou dormant dans sa couche toute proche. Voici les chuchotements de Kawla à son oreille, bien qu’aucun de ses mots ne touche sa conscience.
    Elle se réveilla brusquement. Sa main bandée tenait fermement une autre main et la douleur provoquée par cette seule pression avait brisé son sommeil. La surprise, ou peut-être la peur… Elle retint un cri.
    La scène s’inscrivit comme un kalam dans sa mémoire : la flamme minuscule et crépitant de la lampe en terre cuite posée à même le sol ; Ashemou agenouillée au pied de sa couche ; derrière, tout au fond, une lune mangée à moitié… et enfin, tout près d’elle, une silhouette reconnaissable entre toutes. Son père !
    Son père, agenouillé. La courte flamme faisait briller ses yeux sans laisser deviner leur expression. Ses mains douces enveloppèrent les poignets de Fatima, comme s’il avait compris qu’il était trop douloureux de serrer ses mains.
    — Je ne voulais pas te réveiller, chuchota-t-il.
    Sa voix avait la même délicatesse que ses doigts.
    Fatima voulut se lover dans ses bras, mais il la retint.
    — Non, ne bouge pas. Tu vas défaire le bandage de ta tête.
    Elle eut l’impression qu’il souriait.
    — Ashemou assure que tu es très solide. Tes plaies vont vite se refermer et tu pourras marcher d’ici peu.
    — Il faut que je sois avec toi…
    Elle ne put achever sa phrase. Les doigts de son père lui fermèrent tendrement la bouche.
    — Il faut que tu guérisses vite. C’est de cela que j’ai besoin.
    Elle n’osa pas protester. Il lui caressa la joue, et ses paupières tremblèrent tant ce geste lui faisait du bien.
    — Ils m’ont raconté. Je suis fier de ma fille Fatima.
    Il avait redressé le buste, et Fatima devina qu’il allait déjà repartir. La visite était aussi rare que merveilleuse. Elle ne pouvait durer, elle le savait. Malgré tout, elle dit :
    — Ils ne savent pas bien te protéger.
    Inutile de préciser de qui elle

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