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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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paume. Avec un criaillement aigu, elle laissa retomber le bâton avant même de pouvoir le lever. Sa mauvaise cheville l’élança. Elle chancela et serait tombée si deux gamins ne lui avaient agrippé la taille, tandis que les autres, les yeux écarquillés, découvraient le bandage ensanglanté de sa main droite.
    Une fille dit alors :
    — Il y a plein d’Abd’Mrah, chez nous. Lequel tu connais ?
    Elle était presque du même âge que Fatima ; une cordelette de laine rouge retenait ses cheveux très longs noués en torsade.
    Fatima reprit son souffle, secoua la tête.
    — Tout ce qu’il m’a dit de son nom, c’est Abd’Mrah.
    — Pourquoi tu veux le voir ? demanda la fille.
    Fatima repoussa les garçons qui la soutenaient et ramassa son bâton en sautillant.
    — J’ai besoin de lui pour sauver mon père. Il m’a dit qu’il savait se battre et qu’il pourrait m’aider.
    — Celui qui sait le mieux se battre, c’est Abd’Mrah ibn al Uzfullah Abd Ubdah ! s’écria un garçonnet.
    La fille approuva d’un signe, sans rien ajouter. C’est alors qu’un garçon à la tête rasée repoussa les autres pour s’avancer jusqu’à Fatima. Il la toisa de la tête aux pieds avant de s’adresser à ses petits compagnons :
    — Je sais qui elle est. C’est la fille de celui qui parle avec le père de mon père d’un dieu qui serait bon pour nous. Je l’ai vue hier au cimetière d’al Ma’lât.
    Il ajouta à l’intention de Fatima :
    — C’est vrai qu’Abd’Mrah ibn al Uzfullah t’a parlé. Je l’ai vu. Et toi, tu ne voulais pas l’écouter. Je l’ai vu aussi.
    Fatima n’eut pas à répondre. Ce fut comme si un signal mystérieux avait été donné. Les enfants s’éparpillèrent en courant, disparaissant dans les ruelles entre les tentes. La grande fille déclara :
    — Mon nom, c’est Lâhla. Lâhla bint Gaâni.
    D’un petit geste, tournant déjà les talons, elle invita Fatima à la suivre. Les gamins qui avaient soutenu Fatima l’accompagnèrent, tenant des bouts de sa cape comme s’il était de leur devoir de veiller à son équilibre.
    Un instant plus tard, après avoir zigzagué dans des ruelles de toile où Fatima attirait tous les regards, sa guide s’immobilisa devant une longue tente noire sentant fortement le suint de brebis. Une vieille femme desséchée, longue et élancée comme Lâhla, les avait regardées approcher. D’un mot sonore elle éloigna les enfants arrivés derrière Fatima avant d’écouter les explications de Lâhla. Quand la jeune fille se tut, elle s’approcha de Fatima et posa sa paume sur son front.
    — Je m’appelle Haffâ. Et toi, tu as de la fièvre.
    Elle parlait avec un fort accent du Sud.
    — Tu es folle, ma fille, de marcher avec une cheville en pareil état. Tu devrais être sur ta couche. Et je suis sûre que tu as le ventre vide…
    Elle fit asseoir Fatima sur une grosse panière d’alfalfa, retira le bâton de ses mains et entreprit de défaire le bandage de sa cheville. Des poules, des agneaux, des pigeons déambulaient et sautillaient autour de la tente sans que personne ne se soucie de les écarter. Les gosses, craignant la colère de la vieille femme, se tenaient à bonne distance.
    Après avoir palpé délicatement la cheville dont les chairs étaient devenues aussi noires que du charbon, la vieille Haffâ leva les yeux vers Fatima.
    — Tu es courageuse d’avoir marché avec ça. Mais tu es folle, oui ! Si tu continues, tu seras bancale pour le restant de tes jours.
    Elle saisit la main droite de Fatima et dénoua le bandage souillé de sang. Les plaies s’étaient ouvertes et suintaient. La vieille Haffâ secoua la tête avec réprobation. Une mèche de cheveux blancs lui tomba sur le front. Elle la repoussa d’un geste brusque.
    — Tu ne sais pas prendre soin de toi, ma fille. Crois-tu que ton père et ta mère t’ont faite pour que tu t’abîmes ?
    Aussi rudement qu’elle avait parlé, elle abandonna la main de Fatima et s’engouffra sous la tente.
    Lâhla s’approcha.
    — Ne crains rien. Haffâ sait comment guérir toutes les plaies. Elle en a connu d’autres.
    Déjà la portière de la tente se soulevait. Haffâ en sortit, portant un couffin empli d’herbes, de pots et de linges propres en charpie.
    — Va chercher du lait aigre, ordonna-t-elle à Lâhla. Et aussi du pain et des dattes. Cette fille ne sait pas se nourrir quand elle le doit.
    Puis elle commença à enduire la cheville

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