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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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Abu Bakr et Tamîn chercheraient-ils de l’aide parmi ceux qui suivaient le Rabb de son père. Mais ceux-là, elle les connaissait trop bien : des gens sans armes et sans connaissance du combat. Le premier hurlement d’un guerrier, le premier éclat d’une lame les terroriserait.
    Puis les mots du garçon bédouin, cet Abd’Mrah, lui étaient revenus d’un coup. Et si précisément qu’on aurait pu croire qu’ils étaient prononcés dans la chambre même.
    Cet Abd’Mrah avait dit : « Quand tu auras besoin de combattre les mauvais, je pourrai t’aider. »
    Des mots qui sonnaient soudain comme une prémonition. Peut-être cet Abd’Mrah n’était-il rien d’autre que la volonté du Rabb Clément et Miséricordieux de son père ? Tout comme le hasard qui lui avait permis d’entendre l’infâme Yâkût organiser l’assassinat de Muhammad ?
    Elle savait ce qu’elle avait à faire. Peu importait la douleur de sa cheville et ses autres blessures. Elle devait retrouver ce garçon, lui confier le plan de Yâkût et lui demander de tenir sa promesse.
     
    Mais maintenant, devant cette ville de toile qui s’étalait à perte de vue, son espoir s’effondrait aussi brutalement qu’il était né. Comment cet Abd’Mrah avait-il pu simplement dire : « Viens me voir entre les tentes de mon père. Je t’apprendrai ce que tu ne sais pas » ? Ignorait-il à quel point il lui serait impossible de le retrouver dans cet amas de tentes toutes identiques ?
    Il lui faudrait la journée, au moins, pour y parvenir, et jamais elle n’en aurait la force. Abdonaï ou Ashemou seraient bientôt debout, et tous partiraient une fois de plus à sa recherche. Abu Bakr finirait par convaincre son père de l’enfermer…
    Quelle sotte elle était ! Avoir mis tous ses espoirs dans un fanfaron !
    La déception agissait comme un poison. La douleur de ses blessures se raviva. La tête lui tourna. La fièvre autant que la soif et la faim bourdonnaient dans ses tempes et lui nouaient l’estomac. Quand elle voulut se remettre à marcher, même sa cheville se déroba. Elle étouffa ses sanglots, résista au désir de s’asseoir sur le premier rocher venu et de n’en plus bouger.
    Comme une bourrique obstinée, lentement, fixant la poussière et les cailloux devant elle, elle avança, un pas après l’autre, ne songeant plus qu’à mater sa douleur. Cela dura. Assez longtemps pour qu’elle eût conscience que la lumière, autour d’elle, changeait, se faisait plus vive et plus nette. Elle s’immobilisa. Courbée sur son bâton, elle releva les yeux. Le scintillement du jour lui fit battre des paupières. Le soleil franchissait enfin les crêtes déchiquetées de l’est. Les pointes de basalte de l’ouest, sombres et tumultueuses, se nappaient d’un or fin.
    Soudain, elle les vit devant qui l’observaient.
    Des enfants. Vingt, trente… Elle n’aurait su dire. La plupart n’ayant pas plus de huit ou dix ans. Massés sur la route en avant des premières tentes et la fixant comme une bête curieuse. Des garçons et des filles débraillés, les pieds nus et sales, les tuniques rapiécées sans doute coupées et cousues dans d’anciens vêtements déjà réduits en lambeaux. Des gosses bédouins dont on se moquait et qu’on singeait dans les maisons des puissants de Mekka.
    Comment l’avaient-ils aperçue et depuis quand surveillaient-ils son approche ? Le fait est qu’ils étaient là, et qu’ils l’attendaient.
    Ils l’entourèrent sans un mot, la dévorant des yeux, détaillant sa belle robe de lin, sa cape de laine fine, scrutant les bandages de ses mains et de sa cheville, le chèche ocre recouvrant ses cheveux et retenant sur son front l’emplâtre de Kawla.
    Elle dit, la voix plus tremblante qu’elle ne l’aurait voulu :
    — Je cherche un garçon. Il s’appelle Abd’Mrah.
    Ils la dévisagèrent comme s’ils ne la comprenaient pas. Abdonaï et son père lui avaient souvent raconté que la plupart des Bédouins venaient de si loin qu’ils parlaient à peine la langue de Mekka.
    Elle répéta sa phrase plus lentement, cherchant des yeux les visages les plus âgés.
    — Abd’Mrah ! Abd’Mrah ! lança-elle encore, essayant de prononcer un peu différemment le nom du garçon.
    Sans succès. De nouveau le désespoir la tenailla. Craignant par-dessus tout de fondre en larmes devant ces gosses, ne sachant plus que faire, elle empoigna son bâton comme pour en frapper le sol. La douleur irradia sa

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