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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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Yâkût et les autres est si proche, il faudrait prévenir les Bédouins qui ont aidé notre père. Prévenir Abd’Mrah. Peut-être serait-il sage qu’ils plient leurs tentes et s’éloignent de Mekka. Tu pourrais aller jusqu’aux puits d’al Bayâdiyya sans trop te montrer. Là, demande à parler à la vieille Haffâ. Dis que tu es le fils de Muhammad le Messager. Des enfants te conduiront…
    Zayd approuva sans quitter Fatima des yeux. Baissant les paupières, elle ajouta :
    — Si une mauvaise nouvelle doit arriver de la maison de notre vieil oncle, il y aura bien quelqu’un pour venir nous l’apprendre…
    Et comme Zayd était maintenant sur le point de s’éloigner, elle précisa :
    — À la vieille Haffâ, tu demanderas des emplâtres et des onguents pour soigner la blessure d’Abu Talib. Pour ces choses-là, elle s’y connaît mieux que les servantes, Ashemou et la tante Kawla réunies.

Allah et les idoles
    Fatima dut patienter jusqu’à la nuit. Alors que les torches déjà brûlaient dans la cour, Ashemou et Zayd apparurent, soutenant, sur la mule blanche d’Abd’Mrah, la tante Kawla, le visage inondé de pleurs.
    À la voir si éplorée, Fatima crut qu’Abu Talib avait rendu son dernier soupir.
    — Non, non ! Mais c’est bien ce qui l’attend ! protesta Kawla avec colère. Et peut-être ne verra-t-il pas la journée de demain. Il va mourir, mais ton père et lui en sont encore à se disputer ! Ils sont aussi butés que des bourriques !
    Une tisane d’herbes apaisa la tante Kawla. Ashemou et Zayd purent enfin raconter.
    Comme Zayd l’avait craint, Abu Talib avait perdu beaucoup trop de sang. Bien que ses femmes l’aient installé le plus confortablement possible sur sa couche et l’aient soigné du mieux qu’elles pouvaient, il s’était évanoui à plusieurs reprises. La dernière fois, il n’avait repris ses esprits qu’à grand-peine.
    — Et durant tout ce temps…, gémit Kawla, durant tout ce temps… ton père, mon neveu, nous a fait prier son Rabb Clément et Miséricordieux. Pendant tout ce temps, Abu Bakr, Tamîn, Ali et moi, nous n’avons cessé de répéter : « Au nom d’Allah, le Clément et Miséricordieux… Louanges à Allah, le Seigneur des mondes… C’est Toi que nous adorons, et Toi dont nous implorons l’assistance… Conduis-nous sur le droit chemin… Le chemin de ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits et non de ceux qui ont mérité Ta colère, que soit banni le chemin des égarés [5] … »
    Le vieil oncle, lui, avait peur de mourir. Avec ce qui lui restait de forces, il avait ordonné à ses femmes de brûler des offrandes sur l’autel d’Al’lat, dont la pierre demeurait cachée dans sa cour, sous de vieux paniers. Peut-être n’avait-il plus toute sa tête, mais, de la cave où il les avait enfouies lui-même, il avait fait retirer quantité d’amulettes de corail. De sa propre main tremblante et épuisée, il les avait éparpillées sur la couverture de sa couche afin d’apaiser Hobal et d’implorer sa clémence dans l’autre monde.
    — Ton père…, reprit Kawla, peinant à recouvrer son souffle. Ton père… il est devenu blanc de rage quand il s’en est aperçu. Jamais je ne l’ai vu comme ça !
    Les sanglots secouèrent la tante. Ashemou lui prit les mains et raconta à sa place :
    — Quand les servantes ont disposé des braises sur l’autel d’Al’lat, le saïd Muhammad a interrompu sa prière. Il s’est précipité pour les éteindre et les disperser. Il a pris la pierre et l’a brisée. Ali, près de la couche de son père, jetait les amulettes d’Hobal et les piétinait…
    — Et criait ! hoqueta Kawla. Il criait comme un fou : « Tu ne peux pas, tu ne peux pas ! Tu iras en enfer ! Tu m’avais promis de les détruire !… » Oh, comme il criait ! Des mots pareils… Un fils contre son père…
    Doucement Ashemou attira Kawla contre elle et la laissa gémir sur son épaule avant de poursuivre :
    — Quand le saïd Muhammad est entré dans la chambre de son oncle, il a ordonné aux femmes de nettoyer le sol. Il a dit : « Qu’il n’en reste plus une miette, et jetez-les avec les ordures du jour. » Il était calme. Le vieux seigneur Abu Talib a murmuré : « Neveu, neveu, aie pitié de moi ! Ne me laisse pas entrer dans l’autre monde tout nu et sans la clémence des dieux. » Notre maître a répondu : « Oncle Abu Talib, la peur t’égare. Hobal et Al’lat n’existent pas.

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