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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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bouche aux lèvres presque noires se tordit en un rictus :
    — Je n’y suis pour rien, neveu, si toi et ton père vous vous obstinez avec ces fables qui insultent Hobal et lèvent la colère d’Al’lat Toute-Puissante. Vous mettez vous-mêmes vos vies en danger. La colère engendre la colère.
    Abu Lahab s’interrompit pour désigner le corps de l’étranger que des hommes de Yâkût emportaient. Après quoi, il retrouva son sourire moqueur.
    — Quant aux raisons qui ont poussé ce fou à lever son poignard sur ibn ‘Abdallâh, que veux-tu que j’en sache ? Il n’est pas même de Mekka.
    Fatima approcha sa mule et, d’un geste, repoussa son voile.
    — Tu as raison, c’était un étranger. Un de ceux qui vendent leur lame contre de l’or et des chameaux aux paniers bien remplis.
    Un lourd murmure glissa sur la foule. À présent, tous la regardaient. La plupart comprenaient que ce n’était pas un hasard si elle s’était dissimulée sous l’apparence d’une riche étrangère. Il y avait eu un piège, et il avait été éventé.
    Le soleil posa sur Fatima un étonnant halo orange. Avec une assurance qui en sidéra plus d’un, elle déclara d’une voix forte pour que chacun l’entende :
    — C’est lui, Yâkût al Makhr, qui a tout manigancé pour tuer mon père !
    Puis, pointant un doigt sur les deux puissants :
    — Et si c’est lui, c’est vous aussi !
    — Fille ! tonnèrent d’une même voix Abu Lahab et Abu Sofyan. Fille ! Comment oses-tu ?
    — Ah, comment ? ricana Fatima, emportée par l’élan que lui donnaient sa fureur et le plaisir de voir les deux mauvais décontenancés. J’ose parce que, de mes yeux, je l’ai vu, ce pourri de Yâkût, tendre une bourse à l’étranger et lui désigner mon père.
    Le murmure de l’assemblée se mua en un grondement, les uns s’offusquant de l’accusation de Fatima, les autres ne doutant pas de sa vérité. Elle se tourna vers ceux qui lui paraissaient incrédules.
    — Vous ne me croyez pas ? Allez donc voir dans l’enclos d’Ajyad ! Vous y trouverez des bêtes bâtées prêtes à quitter Mekka avec les assassins de mon père. Des bêtes qui appartiennent au puissant seigneur Abu Sofyan.
    Des huées jaillirent de toutes parts. Abu Lahab, trépignant de rage, s’épuisa en protestations. Abu Sofyan, après un coup d’oeil venimeux en direction de Fatima, retint Yâkût, qui déjà marchait sur elle, poing levé. Ensuite il se détourna, prenant grand soin, au coeur du tumulte, de feindre l’indifférence.
    Fatima pivota vers son père. Sur son visage, elle ne put lire ni approbation, ni condamnation, seulement une incroyable patience alors que, devant lui, Ali, Abu Bakr, Abdonaï et Tamîn, répliquant aux invectives et aux menaces, vociféraient à en perdre la voix.
    Puis d’un coup la tension se brisa. Au coeur des braillements, on entendit un faible gémissement. À peine audible. Abu Talib levait une main suppliante, peinant à recouvrer un peu de souffle.
    — Cessez vos cris… Cessez vos cris, tous autant que vous êtes… Ils ne vous conduiront nulle part !
    Son chèche était tombé. Sa tête à demi chauve, luisante d’une sueur mauvaise, reposait contre la poitrine d’Ashemou. Son sang coulait encore, malgré le pansement que Zayd avait tenté de fixer à l’aide de sa ceinture.
    Ali, les yeux brillants de larmes, agrippa les mains souillées de son père. Zayd leva les yeux vers Muhammad.
    — Il ne faut pas le laisser là. Il faut des emplâtres et de vrais pansements pour refermer sa plaie, ou bientôt le seigneur Abu Talib se sera vidé de son sang, dit-il.
    Aussitôt, il y eut dix ou vingt mains pour aider. Sans craindre la douleur de sa cheville, Fatima se laissa glisser du dos de sa mule. À la hâte, on y attacha un bât d’osier et des couvertures. Muhammad, Abdonaï et Ali soulevèrent Abu Talib et l’y allongèrent. De leur côté, Yâkût et Abu Sofyan s’activaient tout aussi vite pour placer leurs mercenaires en une ligne qui condamnait une nouvelle fois l’entrée de l’enceinte du grand marché.
    Abu Talib avait beau être presque mort, jamais Abu Sofyan et Abu Lahab ne laisseraient Muhammad conduire son oncle à l’intérieur du marché, où il aurait pourtant trouvé rapidement des soins. Tout au contraire, c’est sans un signe de compassion qu’ils regardèrent la mule blanche emporter le blessé gémissant vers le haut de la ville, entre les haies silencieuses que la

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