Fatima
pire.
Muhammad plaça sa main sur l’épaule de Fatima, autant pour la retenir que pour lui transmettre un peu de son calme. Tous trois avaient remarqué qu’Omar ne tenait pas sa lame dressée dans sa main droite, mais une planche de bois d’une largeur de deux paumes.
De sa voix qui portait loin, en guise de salut, il lança à Muhammad :
— Ce matin, je me suis levé pour te tuer, toi et ta fille Fatima, qui porte le même nom que la soeur que ton dieu m’a volée. Et pour ne pas hésiter au moment d’abattre ma nimcha, je suis allé chez ma soeur afin de respirer le parfum de ses tuniques. Je voulais que ma colère soit fraîche et mon coeur bien écorché de souvenirs quand je brandirais ma lame devant toi. Mais dans les tuniques de ma soeur Fatima, voilà ce que j’ai trouvé.
Omar leva la planchette qu’il tenait. Muhammad, Fatima et Zayd virent qu’elle avait été peinte de vert et qu’on y avait écrit avec soin deux enseignements d’Allah confiés au Messager.
Zayd lut aussitôt les noms :
— Al Bayina et Al ‘Adiyat [21] .
— Oui ! grinça Omar. Oui, tu lis juste, fils de Kalb ! Et moi aussi, je sais lire.
Omar agita la planchette. Sa colère était palpable et son regard furieux. Il semblait prêt à bondir. Mais sur qui ou sur quoi, on ne le savait.
Muhammad le laissa trépigner un peu, tenant toujours fermement l’épaule de Fatima, dont il voyait les phalanges livides sur le bâton ferré.
Enfin, avec beaucoup de douceur, il demanda à Omar ibn al Khattâb :
— Et… ?
— Messager, Messager ! gronda Omar. J’ai lu et j’ai tremblé. Envoyé d’Allah, cela s’est planté dans mon coeur, et je n’en reviens pas. Ma lame est toujours dans mon fourreau. Je n’ai pas d’autre désir que celui de te suivre, comme ma soeur. Comment expliques-tu cela ?
— Je ne l’explique pas, ibn al Khattâb. Je dis seulement que Dieu est Dieu et qu’il n’en est pas d’autre.
— Alors je veux que chacun le sache. Je désire aller avec toi dans la Ka’bâ. Je veux me laver à l’eau de Zamzam et dire ce qu’il faut dire pour qu’Allah me réclame mon devoir !
Muhammad ne put s’empêcher de rire :
— Allah réclamera, sois-en sûr. Et à hauteur de tous les blasphèmes que tu as prononcés pour ne pas L’écouter quand déjà Il te parlait. Mais pour ce qui est d’aller dans la Ka’bâ, tu sais mieux que personne que cela nous est impossible. On nous en empêche.
— Celui qui voudrait interdire à Omar ibn al Khattâb même de regarder une mouche n’est pas né, Messager ! Dismoi : ta voix est-elle celle de la Vérité ?
— Elle l’est.
— Et depuis quand doit-on cacher la vérité dans la Ka’bâ ? Allons chez Al Arqam chercher ta maisonnée, et nous irons tous ensemble prier où l’on doit prier.
Un peu plus tard, en plein soleil, et alors que les ombres déjà raccourcissaient, les gens de Mekka, éberlués, se pressèrent sur l’esplanade du sanctuaire pour voir cela : Omar ibn al Khattâb priant épaule contre épaule avec Muhammad le Messager devant la source Zamzam.
Derrière eux se tenaient les dizaines de croyants en Allah qui n’avaient pu franchir la porte de la Ka’bâ depuis des saisons.
Le soir même, Omar leur ouvrit sa maison. Chacun remarqua les traces bleues sur son visage. À Abu Bakr qui ouvrait de grands yeux, Omar dit en riant :
— La nouvelle valait que j’aille l’annoncer à mes oncles. Je voulais qu’Abu Lahab et Abu Sofyan l’apprennent vite. Tu peux imaginer leur bonheur ! Ils ont décidé de me rouer de coups. Pour la tradition, je me suis laissé un peu faire. Puis quand j’en ai eu assez, je leur ai cassé les bras. Je leur ai dit : « Si c’est là votre moyen pour me faire changer d’avis, n’y comptez pas ! Omar ibn al Khattâb n’est plus des vôtres ! Il va dans le Chemin d’Allah, l’Unique et le Miséricordieux. Je marche sur les traces de Son Envoyé, Muhammad. Vous ne m’en détournerez pas. Votre choix est simple : craignez ce qui vous attend ou soumettez-vous. »
Le Juif Ubadia ben Shalom
Ceux de Yatrib arrivèrent au jour prévu. Ils étaient plus de soixante-dix. Des Aws et des Khazraj, comme la première fois. Sur la route, ils s’étaient mêlés à des marchands du Hedjaz venant déposer des offrandes à Al Ozzâ. Ils entrèrent dans Mekka sans être vus. La chaleur estivale frappait durement la cité. Les puissants de la mâla avaient déjà rejoint
Weitere Kostenlose Bücher