Fatima
encore les rêveries d’un fou infecté par l’imagination des mauvais poètes. » À moi, Allah le Seul, l’Unique, dit : « Nous n’avons envoyé avant toi que des hommes ayant reçu Notre révélation. » Alors, moi qui ne suis que le porteur des mots, je vous dis : Si vous doutez, vérifiez le vrai auprès de ceux qui tiennent parmi vous le registre des générations. À moi, Muhammad, Son nâbi, il m’a été seulement révélé que Dieu est Dieu et qu’il n’en est aucun autre. À vous de vous soumettre à Son Poids et à Sa Clémence. Que le coeur du nombre soit sourd et distrait, il en va et en ira de même à Yatrib comme de par le monde. Mais sachez : ceux-là, ils ne sont que de la nourriture pour la géhenne [19] .
Les hommes de Yatrib se montrèrent impressionnés et surpris. Les paroles de Muhammad étaient plus nettes et plus tranchantes que celles sorties de la bouche de Moç’ab. C’étaient des paroles exigeant choix et décision.
Certains murmurèrent :
— Muhammad parle comme les nâbi des Juifs dont on enseigne la parole dans les kuttâb [20] de Yatrib. Alors, à quoi bon le faire venir chez nous ?
D’autres répliquèrent :
— Parce qu’il est des nôtres. Sa langue est celle de notre bouche et celle de nos ancêtres.
Après un temps de silence et de réflexion, le plus âgé des Aws se tourna vers ses compagnons :
— Saison après saison, nous craignons que la division détruise notre cité. Nos clans et ceux des Juifs ne cessent de se disputer. La terre de Yatrib est une. La vérité, on la connaît : sans union, le vent et la haine finiront par nous disperser comme un panier de dattes rancies. Cet Envoyé d’Allah est notre chance. Son Seigneur peut nous rassembler sous une même paume, nous, les Khazraj et les Aws, tout autant que les Juifs des Banu Qurayza, Banu an Nadir ou Banu Qaynuquâ. Rentrons à Yatrib, allons vers eux avec ce que nous venons d’apprendre. Chacun choisira. Il faut faire vite. Les menaces sur l’Envoyé, on les connaît. Omar, on le connaît aussi.
Il n’y eut plus guère d’opposition. Ceux de Yatrib étaient trop impatients de repartir. Les yeux brillants, l’un des plus jeunes, qui se nommait Hubâb ibn al Mundhir, s’inclina profondément devant Muhammad. En se redressant, il dit fougueusement :
— Nâbi ! Je te le dis, si ton Rabb nous unit dans Sa foi, nous tous de Yatrib, alors il n’y aura pas d’homme plus puissant que toi sur la terre visible.
Un nouveau fidèle : Omar ibn al Khattâb
En attendant le retour de la délégation, Abu Bakr obtint que Muhammad ne quitte plus la maison d’Al Arqam dans la seule compagnie de Fatima. Désormais, Bilâl et Zayd les accompagnèrent. Et chaque jour, sur leurs gardes, ils guettaient les cris d’Omar ibn al Khattâb, craignant de le voir surgir, la lame dressée.
Al Arqam faisait de son mieux pour connaître les décisions de la mâla au sujet de Muhammad. Les partisans d’Abu Lahab avaient-ils obtenu l’unanimité pour la mise à mort du Messager ? Malheureusement, désormais les bouches se fermaient devant lui.
— Ils prendront leur décision sans que rien ne transpire, se lamentait-il. Nous l’apprendrons trop tard…
Abu Bakr supplia Muhammad de ne plus se rendre à la Ka’bâ.
— À quoi bon, Messager ? Ce n’est plus qu’un lieu souillé par les idolâtres. Bientôt, par la volonté d’Allah, tu lui tourneras le dos.
Après un long silence, Muhammad répondit :
— Je sais depuis longtemps de quoi Omar est fait. Il n’est que de la nourriture pour le Seigneur Tout-Puissant. Il ne nous appartient pas de nous en charger.
Après quoi, il demanda à Abu Bakr de s’asseoir avec lui, Zayd et Ali devant les rouleaux de Waraqà.
— Nous devons encore lire et apprendre. Quand ceux de Yatrib reviendront, il nous faudra leur donner nos règles, qui deviendront les leurs. Sinon, il n’y aura pas d’accord. Nous ne devons pas aller là-bas, à Yatrib, avec seulement des mots sur les lèvres. Ils doivent être écrits, comme ont été écrites les lois de Mûsâ.
L’extraordinaire eut lieu sept jours seulement avant la nouvelle rencontre prévue avec ceux de Yatrib. Alors qu’ils s’avançaient vers l’esplanade de la Ka’bâ, Muhammad, Fatima et Zayd virent Omar venir à grands pas devant eux. C’était un homme de moins de trente ans, beau et puissant, la barbe fine comme le tissu de ses vêtements. Mais son regard faisait craindre le
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