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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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orphelins possédant le terrain désigné par la chamelle furent trop heureux de le vendre. Le soir même, Muhammad annonça que, après un jour de répit, on commencerait à élever les murs. Et c’est ce qu’ils firent tous durant deux lunes, de l’aube à la nuit, sans prendre d’autre repos que le temps des prières et des repas.
    Les gens de Yatrib offrirent leur savoir pour dessiner l’emplacement des enceintes, des portes et des habitations. Ensuite, pas une main ne manqua pour creuser, charrier et placer les pierres de soutènement. Puis il fallut pétrir la glaise prélevée sur le terrain, tracer une rigole pour apporter l’eau à laquelle, piétinant longuement, on mélangeait de la boue mêlée d’un peu de paille. Après quoi, les femmes tassaient cette lourde terre, la moulaient en forme de briques qu’elles disposaient sur des palmes, où elles durcissaient sous le feu du soleil autant que dans un four. Alors elles transportaient les briques près des murs qui montaient enfin, esquissant une ombre nouvelle sur la poussière du sol.
    Chacun travailla jusqu’à avoir les reins, les cuisses et les épaules moulus. Muhammad était toujours le premier sur le chantier, entouré d’Omar, d’Abu Bakr et même de Tamîn. Et chaque jour, une fois leur propre labeur terminé, les nouveaux croyants affluaient. Ils s’attelaient à la tâche avec une ardeur qui insufflait un courage renouvelé aux plus épuisés. Aux moments les plus durs de l’après-midi, Moç’ab, de sa voix si particulière, si douce et si persuasive, chantonnait des versets énoncés par l’ange à l’Envoyé, allégeant ainsi les têtes bourdonnantes de fatigue.
    Durant ces rudes journées, Fatima, comme toutes les femmes de la maisonnée de son père, fut accueillie dans les cours amies. Tantôt chez les Aws, tantôt chez les Khazraj ou chez les Juifs des Banu Qaynuqâ.
    Partout on la fêtait avec une gentillesse et une attention particulières, elle, la fille de l’Envoyé, du nâbi. Partout on la traitait en fille, et on s’étonnait qu’à son âge elle n’ait pas déjà un époux.
    — Seize années ! Et toute ta beauté ! s’exclamaient les unes. Pourquoi n’as-tu pas d’homme dans ta couche ?
    — Nous, cela fait déjà longtemps que nous sommes mariées, riaient les autres. Les as-tu tous repoussés ?
    — Ou bien attendais-tu de choisir un homme de Yatrib ? se moquaient-elles gentiment, se masquant le visage de leurs paumes. On prétend qu’ils sont plus fins et plus aimants que ceux de Mekka…
    Et, chaque soir, elles étaient cinq ou six à s’empresser autour de la jeune fille pour enduire de baume d’herbes à l’huile de lubân [25] ses mains écorchées. La tante Kawla, que la fatigue vieillissait à vue d’oeil et que la mort d’Ashemou avait plongée dans une tristesse qu’elle ne parvenait pas à surmonter, disait :
    — Ne te rebelle pas, Fatima. Je t’en prie, ne te rebelle pas… Elles ont raison. Tu verras, bientôt, ton père sera fier de toi.
     
    Un jour, enfin, tandis que s’élevaient les murs de la nouvelle cour, Ali et Al Arqam arrivèrent à Yatrib. Les derniers croyants de Mekka les accompagnaient. Al Arqam, devant le Messager et ses compagnons, raconta, suscitant l’enjouement, comment Yâkût avait passé des jours à les poursuivre, le bras dans une attelle, épuisant une douzaine de chevaux dans l’espoir de se venger.
    Mais ces rires et les plaisanteries d’Al Arqam, Fatima, à l’origine du bras cassé de Yâkût, ne les entendit pas : les hommes se retrouvaient après la prière du soir, et les femmes n’étaient pas conviées à leurs conciliabules.
    Le lendemain, à l’aube, alors que chacun se dirigeait vers les tas de briques, Ali fut à son côté. Sa blessure était guérie, et pour ceux de Yatrib qui s’étaient répété l’histoire du piège contre les païens de Mekka, il était déjà auréolé d’une légende.
    Comme Zayd, il remarqua dans l’instant la beauté de Fatima et sa tenue de fille.
    — Tu es belle…, dit-il d’une voix étouffée.
    Il n’ajouta pas « en fille », comme l’avait fait Zayd, mais Fatima entendit les mots qu’il prenait soin de retenir.
    Comme elle ne montrait aucun signe de plaisir à son compliment, ni même l’envie de se montrer accueillante, il ajouta :
    — Ma mère connaît ta douleur d’avoir perdu Ashemou. Ce que ta servante a fait lui vaut cent fois le paradis d’Allah. Sache que, chaque jour,

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