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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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poussière du sol.
    Le silence autour de Muhammad était maintenant tendu, anxieux. La marche de l’animal était trop inhabituelle. Trop vive et trop précise. Les chamelles étaient connues pour leur nonchalance, leur mollesse paresseuse dès qu’elles étaient livrées à elles-mêmes. Un doigt guidait celle-ci. Nul n’en doutait plus. Dans ce manège de la chamelle, tous voyaient l’invisible.
    Aussi ne furent-ils pas surpris lorsqu’à nouveau, sans crier gare, elle se figea. Elle piétina un peu. Tourna sur elle-même, jeta un blatèrement bref.
    Elle se trouvait entre deux bosquets de vieux palmiers aux troncs masqués d’un fouillis de palmes sèches. Elle blatéra une fois encore : un grognement plus long, plus impatient, accompagné d’une vive secousse de la tête, comme si elle se débarrassait d’un nuage de mouches.
    Les hommes n’attendirent pas davantage. Ils crièrent le nom d’Allah avec de grands rires, s’élancèrent vers la chamelle, qui les regarda placidement approcher. Une discussion s’engagea. À qui appartenait ce terrain ? Où étaient ses limites ?
    Muhammad retint ses compagnons. Ils prirent tout leur temps pour avancer. Quand ils furent assez proches pour que le Messager puisse saisir la longe de sa chamelle, la querelle était close.
    — Le terrain appartient à des orphelins du clan des Banu Zafr, déclara celui des Khazraj qui avait conduit la délégation d’Aqaba.
    Les autres approuvèrent.
    — Jusqu’où il va, ils le diront. Certainement, il n’est pas bien grand. Assez pour bâtir une maison, mais sans rien de reste pour un jardin. Et comme tu le vois, Envoyé, un terrain pauvre. Très pauvre. Un terrain oublié : l’eau est loin. Ici, pas d’irrigation. Comment feras-tu pour te nourrir ?
    Le rire d’Omar éclata dans l’air brûlant. Il répondit avant que Muhammad n’ouvre la bouche :
    — S’il est pauvre et sans eau, ce terrain que nous désigne le Seigneur, pourquoi y planterions-nous un jardin ? Allah ne nous veut pas jardiniers. Ici, nous venons pour prier ! Pour le jardinage, Dieu a déjà accordé ce qu’il faut à Yatrib.
    Comme toujours, le ton et la posture d’Omar impressionnèrent. Peut-être aussi effrayèrent-ils un peu. Des paupières se baissèrent. Des nuques s’inclinèrent.
    Muhammad posa la main sur le bras du Khazraj qui avait parlé.
    — Sais-tu à qui je devrais payer cette terre ? demanda-t-il. Connais-tu les Juifs à qui appartient ce terrain ?
    L’autre hésita. Une voix s’éleva derrière eux :
    — Nâbi ! Moi, je sais qui ils sont et je peux te servir.
    Muhammad et les compagnons se retournèrent. Ils reconnurent le visage franc et ouvert, la barbe blanche soigneusement taillée, la tunique de lin fin et le chèche court et serré du Juif qui les avait visités à Mekka.
    — Ubadia ibn Salam ! s’exclama Muhammad.
    Il ouvrit les bras, répéta en prononçant lentement les mots hébreux :
    — Ubadia ben Shalom !
    L’embrassade fut sincère. En s’écartant, Ubadia plaça une main sur son coeur et s’inclina :
    — Nâbi, nul n’est plus heureux que moi de te voir sur les terres de Yatrib. Dieu est grand et mille fois Clément qui t’a conduit ici sain et sauf ! C’est vrai, cette terre appartient à deux frères des Banu Zafr aussi pauvres que la poussière sous nos pieds. C’est leur seul héritage et presque leur seul bien. Jusqu’à ce jour, nul n’a voulu la leur acheter. Pour quoi faire ? Tu as entendu : à part des murs de prière, que pourrait-il y pousser ?
    — Alors, ils me la vendront ?
    — Il te la vendront et te béniront comme leur sauveur, nâbi. Ils chanteront Dieu avec toi. Ton achat sera leur providence. Viens chez moi te restaurer et te reposer jusqu’à la prière du soir. D’ici là, ton affaire sera conclue, et Yatrib saura que tu es juste et bon.

Bâtir la maison de l’Islam
    Alors commencèrent pour Fatima les temps de silence et de pauvreté.
    Deux longues années terribles durant lesquelles sa fougue, sa vigueur, ses colères, sa dévotion à son père devinrent mutisme, retrait.
    Deux longues années durant lesquelles elle sembla même vouloir s’effacer dans sa seule apparence de fille. Comme si, saison après saison, épreuve après épreuve, elle ne devenait plus que l’ombre de la Fatima bint Muhammad que son père le Messager, sur la route de Yatrib, avait appelée Fatima Zahra, la Resplendissante.
    Comme l’avait prédit ben Shalom, les

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