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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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ne lui fallut pas longtemps pour faire claquer une navette entre les fils raides d’une trame. Elle apprenait et travaillait sans jamais protester, mais aussi sans ouvrir la bouche. Cela devint si rare d’entendre sa voix que les nouvelles croyantes de Yatrib plaisantèrent sur sa mauvaise humeur : elles l’appelèrent « Fatima du silence ». La tante Kawla veillait cependant à ce qu’on ne l’importune pas, quitte à menacer et à détourner la vérité s’il le fallait :
    — Laissez-la en paix ! intimait-elle aux femmes. Fatima est comme elle est. Une fille comme elle, vous n’en croiserez pas deux dans votre vie. Allah lui trace un chemin qu’aucune de nous ne saurait emprunter. Et depuis toujours son père le sait. Elle est sa préférée. Quand elle était petite, déjà il l’adorait plus que ses autres filles. Je ne vous conseille pas de pousser la moquerie trop loin, ou il vous en cuira.
    Les nouvelles croyantes baissaient le front en rechignant. Quelques-unes marmonnaient :
    — Chez nous, on ne laisse pas les filles se comporter aussi bizarrement. Déjà, à son âge, elle n’a toujours pas d’époux. Au moins pourrait-elle être polie et moins distante envers nous.
    Dans les instants qui suivaient de pareilles remarques, Fatima se montrait si serviable envers celles qui la critiquaient qu’elles s’en trouvaient déconcertées et embarrassées. Elles imaginaient aussitôt que Fatima était devenue comme elles et l’assaillaient de questions. Sans jamais recevoir de réponse.
    De même, depuis leurs sèches retrouvailles, Ali et Zayd se tenaient à distance de Fatima. Zayd était celui à qui l’indifférence apparente de la jeune fille paraissait peser le plus.
    Une fin d’après-midi nuageuse, il la découvrit qui tissait seule, dehors, à l’ombre du mur d’enceinte. Il ne put s’empêcher de venir s’accroupir près d’elle. Un long moment s’écoula, bercé par les claquements secs de la navette contre le cadre de tissage, sans qu’il trouve le courage d’ouvrir la bouche. Enfin, empli de crainte, il dit :
    — Aujourd’hui, nous sommes allés loin de l’oasis, chez les Banu Salma. Notre père a parlé devant toute la maisonnée. Moç’ab a récité. Abu Bakr a raconté notre histoire. Omar a décrit comment Allah est venu vers lui. Les Juifs nous écoutent avec beaucoup d’attention. Certains nous donnent à manger et à boire. Ils nous considèrent comme des frères, des Gens du Livre. D’autres froncent les sourcils. Ils demandent à notre père : « Es-tu des nôtres ou non ? Il est difficile de se retrouver dans tous tes mots. » Souvent, ils insistent : « Si tu es un nâbi véritable, comme Job ou Moïse, tu dois pouvoir nous en donner des preuves. » À cette question tant entendue, notre père répond : « Les preuves, le Seigneur vous les a déjà offertes. Il n’en reste qu’une nouvelle, et vous l’avez devant vous : je suis celui qu’il vous envoie. Ouvrez les yeux. Ouvrez vos livres. Toutes les réponses à vos questions y sont, de ce qui a été à ce qui sera. »
    Pendant que Zayd parlait, Fatima restait si attentive à la laine qui courait entre ses doigts qu’un inconnu aurait pu la croire sourde. Mais Zayd la connaissait bien. Il sut lire les éclats de satisfaction dans ses iris. Il sut interpréter les frémissements de ses lèvres ou le battement plus fort de la veine à son cou lorsqu’elle découvrit l’incrédulité que son père devait affronter.
    Il ne lui en fallut pas plus pour comprendre qu’il serait le bienvenu près de Fatima tant qu’il lui relaterait cette vie nouvelle où elle n’avait plus sa place.
    Dès lors, quand l’occasion se présentait, que l’un et l’autre se trouvaient libérés de leurs tâches, Fatima tissait à l’extérieur de la maison, et Zayd s’asseyait près d’elle. Bien sûr, chaque fois cela avait l’air d’être l’oeuvre du hasard. Une ironie d’Allah qui les désirait côte à côte, en paix et à l’abri de la curiosité. Chaque fois Zayd déroulait ce qu’il avait vu et entendu durant les journées précédentes.
    — Certaines maisons de Yatrib, disait-il, sont agencées comme celles que j’ai connues dans mon enfance à Kalb. Mais d’autres sont plus imposantes. Elles possèdent des murailles de défense pour repousser les assauts et des cours assez vastes pour contenir des dizaines de guerriers.
    Il les décrivait avec soin. De même qu’il dépeignait des

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