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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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résonnèrent aussi sèchement que ceux d’un fouet sur la tête d’une mule.
    Elle répéta :
    — Notre père ne doute jamais. Peut-être est-il impatient. C’est tout. Toi qui es son premier fils adopté, toi, tu ne dois pas douter non plus.
    Des mots tranchants et nets. Zayd en parut raffermi. Il observa Fatima travailler pendant un instant. Puis il se leva et s’éloigna sans un commentaire.
     
    Le soir même, après le repas, alors que l’obscurité avait gagné chaque recoin de la cour, Muhammad se présenta sur le seuil d’Aïcha. Il ordonna aux femmes qui la veillaient d’aller se reposer :
    — Cette nuit, leur dit-il, c’est moi qui prendrai soin de celle qu’Allah m’a confiée.
    À la stupéfaction de toutes, il entra dans la chambre de sa promise et rabattit la tenture de la porte. Les cloisons de briques étaient fines, et plus encore dans la partie de bois et de palmes. Très vite, Fatima, la tante Kawla et la mère d’Ali discernèrent la voix sourde de Muhammad qui récitait et priait. Un long moment toutes les trois demeurèrent ainsi, dans le noir, aux aguets.
    Mais Kawla et la mère d’Ali ne gardèrent pas le silence bien longtemps. De sa couche, Fatima les entendit qui se mettaient à échanger des commentaires sans fin sur cette bizarre décision du Messager.
    — Cela s’est-il déjà vu ? Est-ce bien séant qu’un promis passe la nuit dans la chambre de sa future avant les épousailles ? demanda la mère d’Ali.
    — Ce n’est pas l’époux qui se tient près de la couche d’Aïcha, mais l’Envoyé d’Allah, objecta Kawla.
    — Tout de même, marmonna la première, que se passerait-il si Aïcha se trouvait prise de l’une de ses crises d’étouffement ? L’Envoyé saurait-il quoi faire ?
    — Allah guide mon neveu en toute chose, répliqua la tante Kawla. Ne t’inquiète pas.
    Fatima se boucha les oreilles de ses paumes. Pourquoi en entendre davantage ?
    Son père agirait de même avec elle si elle se mourait ?

Face aux rabbis
    La maladie d’Aïcha dura encore longtemps. À toutes les femmes qui venaient vers elles, la tante Kawla et la mère d’Ali répétaient :
    — Muhammad est le baume qui sauvera la fille d’Abu Bakr. D’un bout à l’autre de la nuit, il se tient près d’elle. Il noue leurs mains et prie Allah. Le Tout-Puissant décidera.
    L’inquiétude rongeait Abu Bakr. Il maigrissait à vue d’oeil. Ses joues se creusaient, ses yeux et sa peau devenaient aussi ternes qu’un ciel d’hiver. Lui qui, depuis toujours, se montrait soigné et soucieux de son apparence, laissait pousser sa barbe en broussaille. Il rôdait dans la cour du matin au soir, et parfois jusqu’au coeur de la nuit. Lui aussi récitait sans interruption les paroles que l’ange d’Allah avait confiées à Muhammad.
    La maisonnée entière courbait le dos sous le poids de la peur. Chacun parlait bas, évitait les rires, les appels et les cris. Les yeux restaient baissés, et les envies de plaisir mouraient aussitôt nées. Les hommes prenaient soin de se diriger droit vers le grand auvent qui leur était réservé. Les femmes se cantonnaient à leurs chambres. Seules les plus âgées servaient les repas.
    Deux fois Fatima s’installa pour tisser contre le mur ouest. Mais Zayd ne parut pas. Elle sut ainsi que son père n’était toujours pas allé devant les rabbis de la madrasa afin de leur prouver qu’il était un véritable nâbi.
    Puis un matin, à peine le soleil levé, la mère d’Ali poussa des hurlements à faire trembler les murs :
    — Aïcha n’a plus de fièvre ! Aïcha n’a plus de fièvre ! Elle mange et me sourit !
    Cette fois, hommes et femmes mêlés, riant et posant mille questions inutiles, se retrouvèrent devant la chambre d’Aïcha. Kawla confirma les dires de la mère d’Ali. Des femmes se rendirent auprès de la couche de la malade.
    — La pauvre petite ! Elle est plus blanche que du lait caillé et son petit crâne chauve fait mal à voir. Mais c’est vrai, elle sourit et elle mange tout ce qu’on lui donne sans rien recracher. Loué soit Allah le Clément et Miséricordieux !
    Le silence revint quand Muhammad parut pour la prière du matin. Il avait un air à faire peur, les yeux rouges et cernés, les joues blêmes et une peau qui le vieillissait de dix ans. Mais un étrange sourire flottait sur ses lèvres. Plus tard, nombreux furent ceux qui affirmèrent que, dans la lumière encore timide, son visage était plus

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