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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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appeler la mort.
     
    Le cinquième jour après qu’Aïcha eut perdu ses cheveux, le ciel redevint bleu et pur. Le froid humide s’estompa au soleil. Fatima profita d’un de ces moments pour aller tisser tout contre le mur ouest, le plus chaud.
    Zayd s’approcha alors que les claquements réguliers du métier à tisser retentissaient à peine. Sans doute la guettait-il.
    À sa seule manière de s’accroupir, Fatima sut qu’elle devait une fois de plus s’attendre à quelque chose de désagréable. Zayd fixa brièvement les brins de laine qui allaient et venaient sur la trame blanche, puis il libéra son coeur :
    — Quand Aïcha a perdu ses cheveux, les rabbis de la madrasa m’ont dit : « Demande à ton nâbi s’il veut bien venir parler avec nous. » Le lendemain, notre père est allé avec moi devant eux. Les rabbis l’ont interrogé sur le Livre. Des questions de toutes sortes, surtout au sujet des versets dictés par l’ange Gabriel. Lorsque le Messager eut fini de répondre, les rabbis se sont consultés en privé. Ils sont revenus devant notre père avec de nouvelles questions. Celles-ci concernaient les anciens prophètes du Seigneur. Elles étaient si précises que cela donnait le tournis : Moïse a-t-il fait cela ? Job a-t-il dit ceci ? Crois-tu que celui que tu appelles Nûh ait proféré cela ? Celui que tu appelles Yûssuf, connaissait-il l’art d’interpréter les rêves ? Et ainsi de suite. À chaque réponse de notre père, les rabbis hochaient la tête. Ils semblaient satisfaits, mais j’étais inquiet. Je connais ces Juifs, la gentillesse qu’ils manifestent envers notre père n’est pas celle qu’ils m’ont toujours montrée, à moi.
    Zayd s’interrompit un instant pour se frotter les yeux, comme s’il puisait dans son coeur le courage des mots à venir.
    Après un court silence, il se remit à parler d’une voix monotone, si bien que Fatima dut tendre l’oreille pour l’entendre :
    — Quand a approché le moment de la prière pour les Juifs comme pour les croyants d’Allah, le plus âgé des rabbis a prié l’Envoyé de s’approcher. Tout bas, il a demandé : « Nâbi, saurais-tu les réponses à ces questions ?» Après quoi il a déroulé les questions, mais dans un chuchotement si faible, si ténu, que notre père a été contraint de poser son oreille contre la bouche de vieil homme. Quant à moi, je n’ai rien pu saisir…
    Au ton de Zayd, Fatima, les doigts soudain gourds, se trompa. Il lui fallut démêler quelques fils de laine avant que puisse reprendre le va-et-vient régulier de sa navette. Après un temps, Zayd poursuivit :
    — Dès qu’il s’est redressé, j’ai vu que notre père était troublé. Il ne connaissait pas les réponses à ces nouvelles questions. Il a réfléchi un instant, les yeux clos. Puis il a dit : « Rabbi, je ne peux pas te répondre à l’instant. Le moment de la prière approche. Je dois rejoindre mes compagnons. Demain ou après-demain, nous nous retrouverons, et je te dirai ce que vous voulez entendre. »
    Zayd à nouveau se tut, cherchant à capter toute l’attention de Fatima. Elle leva la tête et riva ses yeux aux siens.
    — Cela fait cinq jours aujourd’hui que notre père a fait cette promesse au rabbi, reprit-il. Cinq jours qu’il n’a pas répondu ! Il ne le peut pas. Les réponses, il ne les connaît pas. Les vieux de la madrasa commencent à se moquer : « Quel est ce prophète qui ne peut pas nous répondre ? Dieu connaît toutes les réponses. Si cet ibn ‘Abdallâh de Mekka est Son Messager, alors Dieu lui dicte les réponses. Mais s’il reste silencieux, c’est la preuve de son imposture. »
    Zayd étouffa un sanglot. Les mains immobiles sur la toile déjà tissée qui recouvrait ses cuisses, Fatima patienta le temps qu’il retrouve sa voix. Zayd, fuyant son regard, fixa les lignes de vieux palmiers au loin.
    — Notre père est inquiet, murmura-t-il. La maladie d’Aïcha et les questions sans réponse… Ce matin, après la prière, je l’ai entendu dire à Tamîn : « Le Seigneur est silencieux avec moi depuis trop longtemps. Son ange, je ne le vois plus, je ne l’entends plus. Cela dure depuis que nous sommes arrivés ici, à Yatrib. » Il n’en a pas dit plus. Mais on devine qu’il se demande si nous avons choisi le bon chemin…
    — Mon père ne doute jamais ! l’interrompit durement Fatima.
    Elle reprit son ouvrage. Les claquements du métier à tisser

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