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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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pourrais devenir une vraie musicienne.
    Répété fréquemment, en réalité tous les jours de la semaine, le message faisait son chemin.
    —    Les élèves couchent dans de grands dortoirs, observa l'élève.
    —    Avec des amies de leur âge, tout comme elles prennent leur repas ensemble, se retrouvent pour la prière, pour la messe.
    —    Il y a des jeux?
    —    Tous ceux que tu peux désirer, et surtout des personnes avec qui jouer.
    Eugénie jeta un regard vers son frère, son seul compagnon depuis toujours. La malade poussa son avantage encore un peu:
    —    L'été, il est possible de se retrouver dans la grande cour intérieure, avec ses fleurs, ses arbustes. Certaines élèves jouent au croquet, les autres marchent bras dessus, bras dessous. S'il pleut, il est possible de se mettre sous le préau... Moi, j'étais très heureuse là-bas.
    Surtout, cette période innocente prenait des couleurs idéalisées dans ses souvenirs, comme tout ce qui précédait son mariage. Une espèce d'âge d'or dans un univers entièrement féminin, chaste et pur.
    —    Est-ce que nous allons retrouver papa ?
    Edouard était venu se planter devant sa sœur, tournant délibérément le dos à sa mère. Comme celle-ci demeurait muette, il continua :
    —    Moi, j'y vais. Il fait trop chaud ici.
    Sans se retourner, il se dirigea vers la porte et sortit. Après un moment d'hésitation, Eugénie le suivit.
    Au cours des trois semaines précédant Noël, le magasin Picard fermait encore plus tard que d'habitude, puisque tous les travailleurs de la paroisse Saint-Roch se sentaient obligés de gratter leurs dernières économies afin de sacrifier à la fête déjà commercialisée. De nombreuses personnes de la Haute-
    Ville se joignaient à eux, car au moment de dépenser autant, les grandes surfaces présentaient un avantage certain. Enfin, des ruraux entendaient profiter des derniers trains afin de rentrer chez eux. En attendant, ils en profitaient pour faire leurs emplettes ou, pour les plus pauvres, rêver devant des étals croulant sous les marchandises.
    En conséquence, ce lut largement après sept heures que Marie Buteau fit retentir la cloche indiquant aux derniers clients de se diriger vers la sortie, puis elle monta au sixième afin de s'assurer que toutes les lampes soient éteintes au moment où les chefs de rayons fermaient leurs caisses enregistreuses.
    —    Mademoiselle Buteau, remarqua Alfred quand elle traversa le troisième étage, vous devenez indispensable à mon frère... Fermer ainsi la boutique!
    —    Ce n'est pas la première fois.
    —Je n'ai pas dit que vous étiez devenue indispensable aujourd'hui.
    Constatant que son ironie habituelle ne tirait même pas l'esquisse d'un sourire à la jeune femme, le chef de rayon continua après une pause :
    —    Nous pouvons parler un peu ?
    —    Si vous voulez. De toute façon, à l'heure qu'il est, je mangerai froid. Alors un peu plus... Nous pouvons nous voir tout à l'heure, à mon bureau.
    A la maison de la rue Grant, la jeune bonne acceptait de mauvaise grâce de mettre son assiette dans le réchaud au-dessus de la cuisinière, les jours où elle rentrait tard. Comme cela signifiait que la domestique devait attendre pour faire la vaisselle avant de pouvoir se coucher, la situation lui valait toujours un regard peu amène.
    Il devait être huit heures quand Marie revint au troisième. Alfred, affalé sur la chaise devant son bureau, contemplait les classeurs en bâillant. Elle regagna son siège alors que l'homme demandait:
    —    Vous ne m'avez pas reparlé de vos registres. Les additions demeurent toujours aussi difficiles ?
    —    Je fais de mon mieux pour les apprivoiser, rétorqua la jeune femme en fermant le grand livre relié de toile verte posé sur le meuble.
    —    Je me languis toujours de passer une soirée avec vous, la tête penchée sur une colonne de chiffres.
    La secrétaire baissa les yeux, visiblement mal à l'aise. Sa mine un peu défaite inquiéta son interlocuteur, qui continua sur un autre ton :
    —    Que se passe-t-il? Je ne vous ai jamais vue comme cela.
    —    Un peu de fatigue, sans doute, répondit-elle en esquissant son premier sourire.
    —    Le roi du commerce de détail ne vous laisse aucun répit ?
    Elle fit un signe affirmatif de la tête, sans toutefois ouvrir la bouche. Si elle prononçait un mot, elle ne saurait pas s'arrêter. Le récit des affres des

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