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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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des aiguilles dans le ventre.
    Au gré d'une longue carrière, le médecin avait déjà signé des avis de décès relatifs à plusieurs jeunes femmes, mortes d'une hémorragie ou d'une infection après avoir été soumise à une intervention de ce genre. En refusant d'intervenir, de crainte de se voir poursuivi, il avait lui-même condamné certaines à ce sort.
    Au moment où il posa la main sur la poignée de la porte, Marie prit une grande inspiration, essaya de se composer un visage et prononça difficilement :
    —    Je vous dois combien ?
    —    Rien, puisque je ne vous ai été d'aucune utilité.
    Alors que sa main pressait son bras, en guise d'encouragement discret, le docteur déclara pour le bénéfice des personnes présentes dans la salle d'attente :
    —    Ce n'est rien, Mademoiselle. Cette entorse est sans gravité.
    Puis il appela le patient suivant. Par ces mots, l'homme venait de lui accorder quelques semaines, avant que les murmures amusés ne commencent sur son passage.
    Le dimanche 20 décembre, au moment de s'asseoir à sa place habituelle à la tête de la grande table, dans la salle à manger, Thomas trouva une petite enveloppe blanche. Le «Papa» tracé d'une belle écriture ronde ne laissait guère de doute sur l'identité de sa correspondante. Eugénie avait pris l'habitude de lui écrire de petits mots, auxquels il répondait toujours très vite. Même si aucun déplacement ne lui avait permis d'envoyer de véritables lettres, grâce à la Poste royale du Canada, leur relation épistolaire prenait déjà forme.
    Après la date de la veille, il put lire: «Cher papa, cette année, je ne veux pas recevoir d'étrennes. A la place, tu me ferais plaisir en me permettant de devenir pensionnaire chez les ursulines. Ta fille qui t'aime beaucoup. » Suivait la signature, accompagnée de deux «X» pour les baisers. Songeur, l'homme remit la feuille de papier dans l'enveloppe, rangea celle-ci dans la poche intérieure de sa veste.
    Un moment plus tard, les enfants arrivaient à leur tour dans la salle à manger. Le temps de leur faire la bise, Joséphine apparut avec les tartines et le lait chaud pour eux, les œufs, le bacon et le café pour lui.
    —    Tu n'iras pas communier, commenta Edouard tout en mastiquant.
    —    C'est vrai, car je ne serai pas à jeun.
    —    Elisabeth, elle, ne mange jamais le dimanche matin.
    —    C'est peut-être parce que m'occuper de tous les employés du magasin creuse plus l'appétit que d'enseigner à un garnement comme toi.
    Pendant cet échange sur la nécessité de se présenter à jeun depuis des heures au banquet de la communion, ou alors de s'en passer, Eugénie regardait son père avec une mine inquiète. L'homme accusait habituellement réception de ses missives par quelques mots gentils et des compliments sur l'élégance de sa main d'écriture.
    Au moment de quitter la maison pour la grand-messe, Thomas glissa à l'oreille d'Elisabeth :
    —    Ce soir, quand ils seront couchés, j'aimerais discuter de scolarité avec vous.
    Elle donna son assentiment d'un signe de tête en enfilant son manteau.
    La préceptrice replia le petit bout de papier pour le remettre à son employeur. Une tasse de thé se trouvait près d'elle sur un guéridon, Thomas réchauffait son ballon de cognac au creux de sa paume. Il remarqua après un silence :
    —    Voilà un billet fort bien écrit. Eugénie fait de grands progrès en orthographe.
    —    Surtout quand quelqu'un se tient au-dessus de son épaule pour lui épeler les mots.
    Un sourire passa sur ses lèvres. Le commerçant grimaça, avala une gorgée du liquide ambré avant de commenter:
    —    Non seulement les épeler, mais les inspirer, sans doute. Qu'en pensez-vous ?
    —    Depuis octobre, à en juger par les confidences d'Édouard, le sujet de la fréquentation de l'école revient sur le tapis chaque fois qu'ils parlent à leur mère.
    Élisabeth ne jugea pas opportun de préciser qu'à chaque fois que le gamin abordait la question avec elle, c'était pour lui passer le bras autour du cou et déclarer: «Je ne veux pas te quitter. »
    Maintenant, Eugénie avait mis fin à son ambiguïté sur la question.
    —    Remarquez, continua-t-elle, votre femme n'a pas tort. Je n'ai aucun doute que vos enfants peuvent parcourir avec moi l'ensemble du programme de l'école élémentaire, mais des contacts avec des jeunes de leur âge leur manquent certainement.
    —    Il

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