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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dernières semaines suivrait.
    —    Vous accepteriez de manger avec moi demain ?
    —    ... Je comptais me reposer.
    De tout le temps de leurs relations, jamais Alfred n'avait vu la jeune fille si dépitée, même au moment de leur première rencontre, tout juste un an plus tôt, alors qu'elle venait d'enterrer ses parents. Il abdiqua, renonça à l'égayer:
    —    Vous êtes épuisée et moi, je vous retarde. Allons-y.
    Au moment où elle tendait le bras pour prendre son manteau accroché au mur, Alfred remarqua que sa taille semblait un peu plus épaisse. «Dieu du ciel, qu'a-t-elle fait là? », se dit-il en lui emboîtant le pas. Des années à vendre des vêtements à des femmes l'avaient doté d'un regard infaillible.
    Le docteur Couture habitait une vieille maison rue Saint-Vallier, dans le faubourg Jacques-Cartier. Elle se dressait tout près de l'entreprise de pompes funèbres de Lépine. Le mauvais présage ne semblait pas trop décourager les clients. Une douzaine de personnes attendaient sur des chaises disparates. Marie Buteau se perdit longuement dans la contemplation du papier peint, le visage fermé, peu désireuse de voir quiconque lui adresser la parole.
    —    Mademoiselle, c'est à vous.
    Le praticien s'écarta de la porte pour la laisser passer, ferma dans son dos en lui désignant la chaise placée à côté d'une lampe à pétrole. Il occupa le siège placé juste en face et commença :
    —    Qu'est-ce qui vous amène ?
    Elle regardait la pièce de ses grands yeux ténébreux. Les murs lambrissés de bois sombre, des meubles lourds et démodés donnaient à l'endroit une allure austère. Surtout, son regard avait du mal à se détacher du crâne posé sur une étagère, un rappel que la médecine ne pouvait souvent pas grand-chose pour les personnes qui se trouvaient là.
    —    Alors, Mademoiselle ?
    —    ... Je retarde.
    «Bien sûr, songea-t-il, jeune et jolie, comme elle n'avaii pas toussé encore, cela ne pouvait être que cela. »
    —    Je dois vous examiner. Venez à côté.
    Le médecin prit la lampe à pétrole pour la placer à proximité d'une civière. Débarrassée de sa jupe, étendue sur le dos, les yeux clos, honteuse, elle se laissa examiner, tâter pendant de longues minutes. Quand elle fut de nouveau sur la chaise, l'homme confirma son diagnostic:
    —    Vous êtes enceinte. Vous en êtes à combien de semaines ?
    —    ... Vous ne savez pas ? murmura-t-elle
    —    Impossible de deviner du bout des doigts. Tout ce que je peux affirmer, c'est entre un et deux mois. Vous êtes plus précise ?
    —    Six semaines, je crois.
    Depuis plusieurs jours, elle refaisait le calcul. Pendant quelque temps encore, elle prétendrait avoir pris un peu de poids. Cela durerait peut-être jusqu'à la fin de janvier, au plus tard, de février. Après, tout le monde saurait. Et en juillet, ce serait l'accouchement.
    —    Vous pouvez faire quelque chose pour moi ? demanda la jeune fille d'une voix à peine audible.
    —    J'ai peur de comprendre...
    —    Avec cela.
    Elle avait posé la main sur son ventre. Des conversations entre femmes entendues ici et là, depuis l'enfance, lui avaient appris que l'on pouvait faire «passer» un bébé.
    —    Non, je ne procéderai pas à un avortement, protesta-t-il lâchement.
    —    ... Je ne peux pas l'avoir.
    —    Le jeune homme qui vous a mise dans cet état devrait vous épouser. Une naissance un peu rapprochée du mariage, cela ne porte pas à conséquence...
    Marie battit vivement des cils, une larme se détacha de sa paupière gauche et glissa sur sa joue.
    —    Ce n'est pas un jeune homme.
    —    ... Vous travaillez chez Picard, n'est-ce pas?
    Un hochement de tête lui répondit. Couture éprouva un curieux malaise au souvenir d'une conversation qu'il avait eue rue Saint-François quelques mois plus tôt, puis secoua la tête comme pour s'en débarrasser.
    Un silence insupportable s'installa entre eux. Pour Marie, se lever et quitter la pièce serait comme accepter une condamnation à mort. A la fin, le médecin la prit par un bras pour lui faire abandonner son siège et la conduire vers la porte.
    —    Il y a des femmes qui peuvent le faire... souffla-t-elle en serrant le poignet de cet homme, comme pour l'implorer. Donnez-moi au moins un nom.
    —Je ne peux pas non plus. Et je ne vous conseille pas de faire cela. Des vieilles souillons vous enfonceraient

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