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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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y a moins d'un an, la crainte des maladies contagieuses l'incitait à réclamer avec entêtement qu'ils soient scolarisés à la maison. Aujourd'hui, ses motivations se situent bien loin des intérêts des enfants.
    Même si elle comprenait à quoi son employeur faisait allusion, Elisabeth préféra boire un peu de thé en attendant la suite.
    —    Elle espérait que sa bonne amie chez les ursulines lui envoie une pieuse novice affublée d'un costume d'un autre siècle, avec qui poursuivre son délire religieux. De préférence une novice laide et phtisique.
    —    À la place, elle doit se contenter de moi, observa la jeune femme avec un sourire.
    Thomas l'examina des pieds à la tête sans vergogne et acquiesça d'un mouvement de tête.
    —    Parce que je suis tombé sous votre charme, voilà son moyen de vous chasser de cette demeure : si les enfants eux-mêmes réclament d'être scolarisés avec les autres...
    —    Je me retrouverai sans emploi...
    Après environ huit mois dans cette maison, Elisabeth constatait que son engouement pour la vie religieuse avait faibli. Celui-ci était apparu quand elle avait trouvé refuge dans un couvent après avoir vu sa mère accumuler les enfants mort-nés jusqu'à son décès prématuré. Elle découvrait aujourd'hui d'autres perspectives. S'occuper d'enfants, préférable-ment les siens, dans une maison bourgeoise, lui paraissait maintenant une vocation autrement plus attirante.
    Bien sûr, cela posait une difficulté insurmontable : le seul homme qu'elle côtoyait maintenant était l'époux de la personne qui se consacrait à l'évincer de ces lieux. Au fond, songea-t-elle, Marie Buteau, dans son rôle de secrétaire, avait mille fois plus d'occasions de tomber sur un bon parti.
    —    Demain, dit Thomas à voix basse, je tenterai de convaincre cette petite fille que la vie au milieu de religieuses est moins idyllique que l'image qu'on lui en fait miroiter.
    —    Vous pouvez lui parler du gruau figé le matin, des latrines au fond de la cour, du pot de chambre sous le lit qu'il faut utiliser malgré soixante oreilles qui écoutent et trente bouches qui ricanent, puis le bain que l'on prend à la queue leu leu, toujours dans la même eau.
    Elisabeth aurait pu continuer cet inventaire des aspects désagréables de la vie en communauté encore un long moment, mais elle se renfrogna plutôt:
    —    Toutefois, elle n'en croira rien.
    —Je lui dirai qu'une entrée au couvent ne pourra se faire avant le début de la nouvelle année scolaire, c'est-à-dire en septembre prochain. Cela nous laissera du temps.
    «Un peu plus de huit mois», compta rapidement la préceptrice. Mais dès juin, elle devrait commencer à chercher un nouvel emploi, afin de ne pas être prise au dépourvu.
    —Je n'aurai donc pas à rapporter au magasin la magnifique poupée de porcelaine que j'ai mise de côté pour elle, conclut le commerçant.
    —    Et pour Edouard ?
    —    Ai-je le choix? Une locomotive fabriquée en Allemagne.
    Pendant quelques minutes, ils évoquèrent encore la fête de Noël. Au moment où la jeune femme s'apprêtait à regagner sa chambre, Thomas se leva aussi. Un moment, ils restèrent à se regarder, troublés, puis se murmurèrent un «bonne nuit» en demeurant à distance respectueuse l'un de l'autre.
    En affichant un air grincheux qui témoignait de son scepticisme à l'égard de certaines traditions de la fête de Noël empruntées aux Allemands d'abord, aux Britanniques ensuite, Napoléon Grosjean vint installer un sapin de cinq ou six pieds de haut dans un coin du salon. Pour le faire tenir debout, il enfonça le tronc dans un seau rempli de terre. Cette corvée accomplie, il se réfugia dans la cuisine, où Joséphine lui servit un grog chaud pour le rasséréner.
    — Voyons ce que votre papa nous a apporté hier pour le décorer, proposa Elisabeth en ouvrant trois grandes boîtes de carton.
    La première contenait un bel assortiment de boules de verre de couleurs variées, fabriquées en Allemagne; la seconde, des guirlandes; la troisième, une crèche assez réussie. Avec tout cela, la grande pièce prendrait un air de fête qui ne serait que rarement surpassée dans les salons de la Haute-Ville. Cependant, le maître de la maison avait opposé son veto à l'usage de luminaires, décrétant: «Il faut être fou pour allumer des bougies dans un sapin qui sera tout sec dans deux jours ! »
    Pendant deux bonnes heures, les enfants

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