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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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    —    ... Bien, sans doute. Disons que je ne suis pas totalement à l'abri des intempéries.
    Au moment où la préceptrice se penchait un peu en avant, pour s'informer de la situation, Edouard sortit en affirmant, très sûr de lui :
    —    Tu vas voir, je vais t'expliquer.
    Le garçon entendait convaincre son père que sa vie se trouverait transformée si quelqu'un plaçait sous l'arbre de Noël une magnifique petite locomotive de fabrication allemande, aux couleurs d'un réalisme étonnant. Sur ses pas, le commerçant mettait son paletot.
    Elisabeth adressa un clin d'œil à la secrétaire et murmura en se levant de sa chaise :
    —    Je pense que notre patron à toutes les deux a trouvé meilleur négociateur que lui, aujourd'hui.
    —    Cela se peut bien. À moins qu'il se montre particulièrement conciliant envers certaines personnes.
    Thomas Picard arrivait près des grandes fenêtres de la façade quand il se retourna pour dire :
    —Mademoiselle Buteau, vous fermerez. Je rentrerai directement à la maison.
    —    Bien, Monsieur, déclara-t-elle dans un soupir, visiblement soulagée.
    —    Venez-vous avec nous, mademoiselle Trudel ?
    Alors que le commerçant s'en allait avec ses enfants, la préceptrice se pencha vers la secrétaire pour la saluer, ajoutant après une pause :
    —    Je vous souhaite de pouvoir vous reposer un peu demain. Vous paraissez fatiguée.
    —    J'y songerai... Au revoir.
    Déjà, le simple fait que son patron décide de s'esquiver ainsi lui enlevait un poids immense de la poitrine. Depuis deux mois, la fermeture du samedi soir lui réservait trop de mauvais moments. Seule, elle trouverait certainement à s'occuper dans le foutu registre de comptes jusqu'à sept heures.
    En décembre, la chambre d'Alice Picard demeurait chaude et moite grâce aux efforts incessants de Joséphine pour alimenter le foyer au charbon. Après une longue période de morosité, la malade recevait de nouveau ses enfants en fin d'après-midi, curieuse de leurs progrès dans l'apprentissage du catéchisme. En réalité, elle les questionnait sans relâche, désireuse de prendre la préceptrice en défaut.
    Ce soir-là, en interceptant les enfants alors qu'ils revenaient du magasin avec leur père, son objectif habituel se doublait d'un autre : l'homme avait voulu profiter un peu de leur présence en rentrant bien plus tôt que d'habitude, elle l'en priverait.
    Si Eugénie s'efforçait de fournir des réponses exactes aux inquisitions maternelles, Edouard se lassait vite de ces interrogations répétées, puisque le vicaire Buteau ne l'épargnait pas lors de ses visites au domicile de la rue Saint-François. Aussi s'amusait-il à multiplier les facéties. À la question :
    —    Où est Dieu ?
    —    Dans les grains de poussière, sous ton lit, soutenait-il avec le plus grand sérieux.
    Poussé dans ses derniers retranchements, il s'entêtait à argumenter vivement que si Dieu était partout, sa réponse valait toutes les autres.
    Depuis quelques semaines, Alice Picard croyait avoir trouvé une stratégie imparable pour chasser l'intrigante de la
    maison.
    —    Tu sais qu'à l'école, tu pourrais te faire de nombreux amis, des garçons de ton âge.
    —    Pourquoi ?
    —    Pour jouer... Tu es toujours seul.
    —Je suis avec Elisabeth et Eugénie.
    La malade poussa un soupir alors que le garçon, les coudes appuyés sur le rebord de la fenêtre, contemplait la cour arrière couverte de neige.
    —    Mais ce n'est pas comme jouer avec des garçons de ton âge. Tu n'aimerais pas fréquenter l'école des frères?
    Tous les dimanches, Edouard regardaient ces frères des écoles chrétiennes, de méchants oiseaux noirs à l'air sévère, aussi amusants que les croque-morts de chez Lépine.
    —    J'aime mieux étudier avec Elisabeth.
    Le jugement était sans appel, et en vérité il aurait fallu un enfant bien troublé pour préférer l'un de ces tristes bonshommes à une grande blonde douce et souriante.
    Alice laissa échapper un soupir un peu las et se rabattit sur son autre enfant, assise sur la chaise en face d'elle :
    —Je t'assure, Eugénie, tu serais tellement bien au couvent des ursulines, avec des camarades de ton âge. Puis les bonnes mères t'enseigneraient la musique, le dessin, l'aquarelle...
    —    Elisabeth ne joue pas de musique, remarqua la fillette.
    —    Évidemment, les pauvres n'ont pas accès à ces leçons. Mais toi, tu

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