Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
froufrou de jupon blanc bien visible car elle soulevait sa jupe de quelques pouces pour ne pas s'y accrocher, elle jetait sa jeunesse et sa bonne santé au visage de sa rivale.
    Un peu à contrecœur, Thomas quitta son siège pour aider sa femme à atteindre un fauteuil placé près de la grille par laquelle passait la chaleur du chauffage central, devinant qu'elle ne cesserait de se plaindre du froid. Seule la chambre de la malade possédait un foyer.
    —    Les enfants, qu'avez-vous reçu en cadeau ce matin ?
    —    Un train, rugit Edouard en s'empressant de lui mettre l'objet de tous ses désirs sur les genoux.
    Le jouet méritait son enthousiasme. Entièrement fabriqué de métal moulé, riche d'une foule de détails d'une grande précision, des petites roues permettaient de le faire rouler sur le plancher. Appliquée à la main, la peinture ajoutait encore au réalisme du modèle réduit.
    —    Il est très beau. Ton père s'est montré très attentionné. Et toi, Eugénie, qu'as-tu reçu ?
    La petite fille ouvrit de grands yeux sur sa mère, un moment interdite. Son silence dura suffisamment longtemps pour que la malade insiste :
    —    Tu ne veux pas me montrer ce que ton papa t'a donné ?
    —    ... Rien, murmura-t-elle alors que les larmes mouillaient ses cils, puis elle regarda son père pour implorer silencieusement son pardon.
    Thomas serra les mâchoires à se faire mal. La fillette se trouvait piégée. Si elle disait la vérité maintenant, il lui faudrait expliquer comment et pourquoi la poupée avait été camouflée.
    —    Voyons, cela est impossible. Ton père t'aime tellement. ..
    —    C'est parce que je veux aller au couvent.
    Dorénavant, l'homme la détesterait de tout son cœur.
    À l'étage, Élisabeth entra dans la chambre de la petite fille. Un moment, elle contempla la poupée de porcelaine, séduite par la douceur du biscuit sous le doigt, le réalisme des couleurs, la qualité du tissu de la robe. C'était l'arme du père pour faire un pied de nez aux manigances de sa femme. Aucune enfant de Saint-Prosper de Champlain n'avait reçu un aussi beau présent, mais vraisemblablement aucune d'entre elles ne se trouvait présentement aussi malheureuse qu'Eugénie.
    Bientôt, le jouet se trouva couché dans le tiroir du haut de la commode, dans un écrin de vêtements. Elisabeth regagna sa chambre, s'installa dans son fauteuil pour feuilleter des anciens numéros de la Revue moderne. Un peu après six heures, elle descendit pour se rendre à la cuisine.
    —    Viens t'asseoir près de moi, lui demanda Edouard en la voyant passer depuis sa chaise dans la salle à manger.
    Sans l'ombre d'un doute, cela était écrit sur son visage, le garçon aurait troqué sa mère pour la préceptrice. De toute façon, au premier coup d'œil n'importe quel témoin aurait classé ce repas dans une anthologie des Noëls les plus moroses du siècle. La malade se trouvait à une extrémité de la grande table, son époux à l'autre. Les enfants occupaient des places l'une en face de l'autre, à égale distance des deux adultes. Cette disposition ne pouvait heurter aucune sensibilité. Elle interdisait aussi une réelle conversation, et tous les contacts. De toute façon, personne ne semblait avoir quoi que ce soit à dire.
    —    Non, Edouard, je vais manger à la cuisine.
    —    Mais quand je ne suis pas là, vous venez prendre vos repas à cette table, remarqua Alice en posant sur elle des yeux fiévreux.
    —    Je suis une étrangère dans cette maison. Je m'en voudrais de perturber une célébration d'abord familiale. Je mangerai avec la domestique.
    Alice afficha un petit sourire narquois, puis insista :
    —    Mais votre ami de cœur vous réclame.
    Des yeux, il n'était pas clair si elle désignait Edouard ou Thomas.
    —    Et mon cœur sera avec lui, il n'en doute pas. Merci tout de même de votre invitation.
    La malade se troubla un peu devant la réponse. Elisabeth continua son chemin, laissant les époux à leurs réflexions. Celles de Thomas l'amenèrent à poser un constat amer: dorénavant les célébrations familiales ne pourraient plus se produire qu'en l'absence de la mère. Sa présence les rendait cruelles. Les enfants abondaient certainement dans le même sens.
    Dans la cuisine, la préceptrice fut accueillie par une Joséphine soudainement d'excellente humeur: elle avait tout entendu.
    —    Tiens, tiens ! Mademoiselle Trudel qui vient

Weitere Kostenlose Bücher