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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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portefeuille, en sortit deux billets d'un dollar et un de deux, puis trouva de la monnaie pour compléter le tout. Les cinq dollars, que la jeune femme fit disparaître dans une poche intérieure de sa veste, représentaient le salaire de quatre jours de travail, cinq pour les moins bien rémunérés, des travailleurs du quartier Saint-Roch.
    —    Vous croyez que ce sera suffisant? questionna-t-il.
    —    Certainement, Monsieur.
    Une heure et demie plus tard, après que les enfants aient mangé et se soient débarbouillés, Elisabeth marchait dans la rue Saint-François en les tenant par la main. À l'intersection de la Couronne, elle attendit patiemment l'arrivée d'un tramway tiré par deux chevaux.
    —    Bientôt, il y aura l'électricité, commenta Edouard alors que la préceptrice payait les trois passages.
    —    C'est vrai, observa le conducteur. L'année prochaine, plus besoin d'esquinter des animaux dans ces côtes. Les voitures seront mues par des moteurs électriques, comme à Montréal.
    Elisabeth acquiesça d'un signe de tête, pas trop certaine de comprendre ce dont il était question. Afin de ne pas laisser l'impression qu'un gamin de cinq ans en savait plus qu'elle, désormais elle s'efforcerait de parcourir le journal chaque jour avant que la cuisinière, Joséphine, s'en serve pour recueillir ses épluchures de pommes de terre.
    Elle se retrouva sur un banc de bois, le garçon assis près de la fenêtre avec elle, la petite fille sur celui immédiatement devant. Quand le véhicule s'engagea sur la Côte-d'Abraham, la remarque du conducteur prit tout son sens. Les chevaux avaient du mal à progresser, même si le véhicule roulait sur les rails d'acier fixés dans le sol.
    Après une brève distance dans la rue d'Youville, le tramway s'arrêta à l'intersection de la rue Saint-Jean. La jeune femme monta dans une autre voiture, passa la porte monumentale percée dans les remparts de la ville, remonta bientôt la pente de la rue de la Fabrique pour descendre devant la basilique de Québec. Les enfants devaient être prudemment tenus par la main, car dans cette section de l'agglomération, la circulation demeurait dense toute la journée. Un flot incessant de voitures et de piétons empressés risquait de faire des victimes.
    Du parvis de la grande église, ils passèrent de l'autre côté de la rue Buade pour se trouver devant le magasin Holt & Renfrew, The furriers of the Royal Family, clamaient les propriétaires en lettres d'or dans la grande vitrine.
    —    Ce sont des concurrents de papa, décréta Eugénie avec autorité, en pointant l'index en direction du magasin Simon's, avant de préciser: comme ceux-là, de l'autre côté de la rue. Mais il n'y a que des Anglais qui vont là.
    —    Tu en sais, des choses. Qui t'a expliqué cela ?
    —    Papa. Parfois le dimanche, nous faisons le tour de la ville en voiture.
    Pourtant, Eugénie se trompait. Des Canadiens français n'hésitaient pas à utiliser les quelques mots anglais de leur vocabulaire pour faire leurs achats dans les commerces les plus prestigieux de la ville.
    La librairie Gameau se trouvait tout près, en direction du chantier du nouvel hôtel de ville, dont l'inauguration devait avoir lieu au mois de septembre de l'année suivante. La façade du commerce offrait de grandes vitrines où des livres nombreux attiraient l'attention des passants. Elisabeth franchit la porte pour se retrouver dans une grande pièce à l'atmosphère feutrée, silencieuse, où les clients, comme à l'église, chuchotaient. Le long des murs, des rayonnages de chêne ployaient sous le poids des volumes entassés en rangs serrés.
    —    Mademoiselle, que puis-je faire pour vous ? demanda le commis d'une voix onctueuse, tout en jetant sur elle un regard appréciateur.
    —    Je cherche des livres de classe... pour des personnes qui commencent tout juste à apprendre leurs lettres, ajouta-t-elle en désignant les enfants des yeux.
    —Je vois. Ils ont de la chance, j'aimerais me trouver à leur place.
    Ces derniers mots, murmurés, lui valurent un froncement de sourcils que contredisait un sourire esquissé. Il continua, amusé :
    —Je vais vous montrer ce que nous avons.
    Un moment plus tard, le jeune homme lui tendait un manuel des Frères des écoles chrétiennes. Alors que la cliente le feuilletait rapidement, le commis précisait :
    —    C'est notre meilleur vendeur, approuvé par le Département de l'instruction
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