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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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d'une volaille. Pour être sûre de la fraîcheur du produit, rien de plus efficace que de ramener un oiseau vivant à la maison pour lui couper le cou soi-même. Après un examen attentif des gallinacés, Edouard passa aux lapins.
    En cette saison, les produits offerts, peu nombreux, semblaient d'une qualité médiocre. Les patates ou les pommes cueillies l'automne précédent se révélaient flétries après tout un hiver dans un caveau. Quant aux quartiers de porc et de bœuf, ils étaient enveloppés d'une couche de gras bien mince.
    —    Elizabeth, j'en veux un.
    Du doigt, le garçon montrait trois chatons, des boules de poils ronronnantes pressées les unes contre les autres pour se rassurer.
    —    Voyons, tu sais bien que je ne peux pas.
    —    C'est faux, tu as des sous. Il en restait après avoir acheté les livres.
    Pour la première fois, la préceptrice risquait d'affronter une crise de larmes de l'un de ses protégés.
    —    Vous avez de beaux enfants, Madame, risqua la paysanne avec un sourire édenté.
    Avec un peu de flatterie, elle espérait tirer quelques sous des chatons. Son mari, à quatre heures du matin, au moment de quitter la ferme de l'île d'Orléans, avait proposé de les noyer plutôt que d'endurer leurs miaulements pendant tout le trajet.
    —    Ce n'est pas notre mère ! clama quelqu'un.
    Eugénie avait prononcé ces mots d'une voix résolue, un
    peu vexée.
    —    C'est vrai, je suis leur préceptrice...
    —Je veux un petit chat! insista le garçon d'un ton
    criard.
    Le mot «préceptrice» ne figurait pas au vocabulaire de l'agricultrice, mais elle comprit sans mal que les relations, au sein de ce petit trio, n'étaient pas aussi simples que dans sa famille.
    —    Alors tu devras demander à ton père. S'il donne son accord, cela me fera plaisir de revenir en chercher un.
    Des larmes pouvaient succéder à la moue boudeuse de l'enfant. Très vite, Elizabeth cherchant une solution, improvisa:
    —    Regarde ce que je vois : du sucre d'érable. Tu en veux un morceau?
    —    ... Oui, un gros.
    La jeune femme paya, le garçon enfourna la friandise dans sa bouche. En le reprenant dans ses bras, elle proposa, soucieuse d'éviter tout nouvel orage :
    —    Nous allons rentrer, maintenant. Nous devons commencer les leçons, si vous voulez écrire un mot à votre mère pour son anniversaire.
    La veille, avant de leur lire le second chapitre des Malheurs de Sophie, Elizabeth avait proposé cet objectif pour les motiver.
    —    Eugénie, tu veux me donner la main ? Nous devons retraverser la rue pour aller prendre le tramway.
    Elle n'hésita qu'une seconde, puis saisit la main gantée en esquissant un timide sourire.
    Même s'il était le frère du patron, ou peut-être justement à cause de cela, Alfred Picard traitait l'équipe de vendeuses de son rayon avec un paternalisme bienveillant. A midi, chaque jeune fille avait droit à quelques minutes pour avaler un sandwich. La plupart se rendaient à l'arrière du commerce, sur la rue DesFossés. Là se trouvaient quelques voitures portant le nom de l'établissement sur les côtés, chargées de livrer les marchandises trop lourdes pour que les clients les rapportent avec eux à la maison, ou alors de chercher celles qui arrivaient à la gare du Canadien Pacifique, située à peu de distance. En plus de prendre l'air frais, cela leur permettait de bavarder avec les employés de ce service, tous des hommes.
    Ce jour-là, Marie Buteau se réfugia dans une salle d'essayage pour avaler le morceau de fromage un peu rance entre deux tranches de pain qui constituait son repas. Au moment de revenir derrière le comptoir, elle profita du fait que personne ne se trouve à portée de voix pour déclarer :
    —    Monsieur, vous souvenez-vous, au moment où vous m'avez embauchée, je vous ai dit que je savais utiliser un clavigraphe ?
    —    Oui, en effet. Les bonnes religieuses vous auraient enseigné à écrire avec ces affreuses petites machines. Pourquoi en veut-on aux jolis porte-plumes qui font si bien le travail ?
    —    ... Sans doute parce que ce n'est pas tout le monde qui possède une aussi jolie main d'écriture que vous. Puis cela va plus vite.
    —    Petite flatteuse.
    Plus pâle de teint, Marie aurait rougi. Une cliente vint payer quelques mouchoirs. Après son départ, le chef de rayon demanda doucement:
    —    Vous tenez à vous attacher derrière l'une de ces machines à
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