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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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mur du salon de bien des Québécois, à la place d'honneur parmi les photographies des aïeuls. Ceux que proposait Livernois se présentaient en diverses grandeurs, les plus petits de la taille d'une carte professionnelle, les plus grands, encadrés, susceptibles de s'imposer au regard. Seul un autre personnage public se méritait de figurer dans la vitrine du photographe, le mentor des grenouilles de bénitier : monseigneur Elzéar-Alexandre Taschereau, archevêque de Québec. Des deux côtés de la rue Saint-Jean, des commerces se dressaient aussi, nombreux, mais la petite fille se montrait désormais lassée du lèche-vitrine. Bientôt, le trio arriva à la porte du même nom, un vestige de l'époque où de solides murs de pierre offraient une protection contre les armées ennemies.
    Quatre arches se trouvaient côte à côte. Celles des deux extrémités, plutôt étroites, suffisaient pour permettre aux piétons de passer. Celles du centre, sur la voie publique, étaient dotées d'ouvertures tout juste assez larges pour autoriser la circulation des tramways, des fiacres et des charrettes. Cette porte monumentale tomberait bientôt sous le pic des démolisseurs, au nom de la modernité, car elle faisait obstacle au transport des marchandises.
    Tout contre le mur de la vieille enceinte, du côté nord de la rue Saint-Jean, se trouvait l'Auditorium de musique, une salle de spectacle qui tirait son architecture particulière du fait qu'elle était imbriquée dans les remparts. Juste à côté se dressaient les locaux du YMCA, un vaste édifice offrant aux jeunes hommes un logement abordable et des activités de loisir. L'institution avait été fondée par des âmes généreuses, des bonnes gens qui se souciaient de ce que la nouvelle génération ne s'expose pas au péché en fréquentant de « mauvais lieux». Tous les établissements hôteliers peu dispendieux se classaient, selon elles, plus ou moins dans cette catégorie.
    —Je suis fatigué, prononça Édouard en tirant soudainement sur la main d'Elizabeth.
    —    Mais nous sommes rendus. Regarde, le marché se trouve juste de l'autre côté de la rue.
    Cette réponse ne satisfit pas l'enfant, qui leva les bras vers la préceptrice.
    —    Tu es encore un bébé, décréta Eugénie en reniflant.
    La jeune femme prit l'enfant sous les aisselles, l'installa
    sur sa hanche droite dans un geste instinctif, encerclant son corps de son bras tout en gardant son sac de livres à la main. Edouard s'arrangea pour poser son bras sur les épaules d'Elizabeth, sa main gauche dans les cheveux blonds.
    La préceptrice demanda, en tendant sa main gauche à la petite fille :
    —    Tu n'aurais pas envie de te moucher?
    —    Non.
    —    Donne-moi la main, le temps de traverser la rue.
    Cette précaution était d'autant plus nécessaire que les
    véhicules des agriculteurs venus offrir des victuailles aux citadins, et ceux des clients désireux de faire des provisions, représentaient un réel danger.
    Le marché Montcalm comptait un seul bâtiment de pierre, où des boulangers et des bouchers recevaient des chalands tous les jours de la semaine. Des espaces en plein air permettaient à des cultivateurs d'offrir leurs produits directement aux consommateurs. Ceux-ci avaient intérêt à se lever tôt, car les restaurants, les hôtels, mais aussi les établissements de services publics comme les couvents, les collèges et les hôpitaux, envoyaient leurs employés avec des charrettes pour négocier de meilleurs prix en achetant de grandes quantités.
    —    Ça sent mauvais, commenta Eugénie avec raison au moment où ils arrivaient entre les rangées de voitures.
    L'odeur du crottin de cheval flottait en permanence sur la ville de Québec, à cause de l'abondance des véhicules. En juillet et en août, les jours de grande chaleur, la puanteur deviendrait intolérable alors que les employés municipaux n'arriveraient pas à tout ramasser.
    Sur la place du marché, la concentration de chevaux de trait, sans compter le bétail sur pied à vendre, rendait les choses plus difficiles encore. Heureusement, des trottoirs de bois permettaient aux citadins de passer d'un étal à l'autre sans s'enfoncer dans la fange jusqu'aux chevilles.
    —    Elizabeth, regarde les poules. Laisse-moi descendre.
    Edouard toucha les madriers pour se précipiter vers trois
    poules attachées par une patte avec une solide ficelle. Une ménagère négociait justement l'achat
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