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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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   Cela ressemble à nos projections. Toutefois, nous n'aurons l'ensemble des résultats que demain. Je commence à peine à avoir des nouvelles de la Colombie-Britannique, à cause du décalage horaire. Je ne vous ferai pas de déclarations optimistes ce soir si je ne suis pas absolument certain de pouvoir les confirmer au moment du déjeuner demain.
    Cette attitude prudente s'imposait. Le gagnant serait celui qui aurait le plus de sièges, pas celui qui recevrait le plus grand appui populaire. Le sort de Wilfrid Laurier tiendrait au résultat d'innombrables luttes locales, aux enjeux souvent triviaux. Le jeu de la prédiction pouvait se montrer très décevant.
    —    Dans ce cas, autant remercier tout de suite mes partisans, féliciter les gagnants, consoler les perdants et aller me
    coucher.
    —    Quant à moi, je resterai debout toute la nuit. Vous saurez tout au moment de vous asseoir à table dans huit heures, tout au plus.
    Un moment plus tard, debout sur une petite scène, dans un coin de la salle de bal, Laurier commença par faire un petit discours de remerciement aux électeurs de Québec-Est. Le journaliste du Soleil le reproduirait fidèlement, en soulignant l'excellent travail de Thomas Picard. Il invita ensuite tous les candidats présents à le rejoindre. A l'aide d'une liste préparée par David, le politicien donna des chiffres, adressa de bonnes paroles aux vainqueurs, de meilleures encore aux vaincus.
    Élisabeth et les enfants mangeaient leur petit-déjeuner de bon appétit. Elle avait prévu passer ce mercredi à leur révéler les mystères des mathématiques. Le mieux serait de procéder à l'aide de longs bâtonnets de bois. Elle les laisserait tomber au centre d'une table, pour leur proposer de les ramasser un à un sans faire bouger les autres. L'émulation ferait le reste : chacun tiendrait à bien compter les points afin de savoir qui l'emporterait.
    A sa grande surprise, Thomas Picard pénétra dans la salle à manger un peu après huit heures. Au «Bonjour, Monsieur» étonné, il répondit en s'asseyant :
    —    Bonjour. Je suis rentré un peu tard hier soir, aussi je fais presque la grasse matinée. Heureusement que la campagne est terminée, car elle m'a amené à négliger le magasin.
    —    Vous savez qui a gagné ?
    —    Quand j'ai quitté l'hôtel, le climat était à l'optimisme, mais nous serons fixés ce matin, quand tous les résultats auront été additionnés.
    —    Je souhaite que tu gagnes, papa, prononça Eugénie, très sérieuse.
    —    Merci, ma belle. C'est gentil.
    Pendant quelques minutes, le commerçant partagea son attention entre ses œufs, son bacon et le babillage des enfants. Entendant un bruit contre la porte d'entrée, il se précipita dans le couloir, lançant à voix haute :
    —Laissez, Joséphine, je vais y aller.
    Le son d'un conciliabule dans le hall se rendit jusqu'à la salle à manger. Après quelques minutes, rayonnant, Thomas revenait dans la pièce, une feuille de papier à la main.
    —    Voilà, c'est fait. Même si Laurier a une minorité des voix, il remporte une confortable majorité de sièges.
    —    Comment cela se peut-il? interrogea Elisabeth.
    —    Des comtés ont plus d'habitants que d'autres. Cela signifie que Wilfrid Laurier a remporté plusieurs de ceux dont la population est plus faible et Charles Tupper, beaucoup de ceux qui sont les plus populeux.
    Pendant un moment, l'homme illustra son propos en évoquant les résultats des diverses circonscriptions de la région de Québec, s'aidant de la feuille que le messager lui avait remise. Si la préceptrice considérait que la politique demeurait un jeu essentiellement masculin, elle posait les bonnes questions, écoutait les réponses avec une attention réelle. Une bonne heure s'écoula avant que le commerçant s'exclame, tirant sa montre de son gousset :
    —    Mais je suis en train de faire l'école buissonnière ! Cela vous tente-t-il de vous joindre à moi ce soir... avec les enfants, bien sûr?
    —Je ne sais trop. Pourquoi?
    —    C'est la Saint-Jean, aujourd'hui. Les célébrations prendront une couleur particulière, avec cette grande victoire pour notre nation. Je vais donner congé au personnel du magasin à compter de cinq heures pour leur permettre de participer aux diverses activités. Je sais que des compétitions sportives seront tenues sur les plaines d'Abraham.
    —    C'est là que vous voulez nous amener?

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