Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
allions boire un chocolat chaud, maintenant que vous avez vu votre père faire de la politique ?
    —    Ce n'est pas très amusant, la politique, décréta Edouard en prenant la main de la jeune femme.
    —    Les grandes personnes adorent cela. Surtout les hommes.
    Sur ces paroles, elle descendit les trois marches pour rejoindre le trottoir.
    Selon la tradition, un candidat devait attendre le dévoilement des résultats d'une élection dans sa circonscription, parmi les principaux militants de son parti. Le statut de chef du Parti libéral forçait Wilfrid Laurier à se multiplier pour signifier son appui à ses collègues. Le plus simple était de regrouper ses principaux collaborateurs en un même lieu. Le Château Frontenac étant à la fois le plus grand et le plus prestigieux hôtel de la ville de Québec, la salle de bal accueillait les candidats de la région et leurs principaux alliés.
    Thomas Picard, paré d'un habit de soirée noir, un nœud papillon au cou, tenait sa flûte de champagne à la main. Le commerçant évitait toutefois d'en boire une goutte, car cette boisson lui tombait sur l'estomac. A compter de huit heures, des adolescents à bicyclette commencèrent à apporter les premiers résultats enregistrés dans les divers bureaux de scrutin de la ville. Le premier à se présenter, un garçon livreur du grand magasin, se dirigea sans hésiter vers son patron pour lui murmurer à l'oreille :
    —    Nous avons cinquante voix contre douze dans la paroisse Saint-Roch. Cela pour une seule boîte.
    —    T out se déroule sans difficulté ?
    —    Les conservateurs ont nommé scrutateurs tous leurs amis. Mais la foule qui attend les résultats dans la rue va leur casser la gueule s'ils essaient de paqueter les boîtes. Nous les gardons à l'œil.
    —    Très bien, retournes-y tout de suite.
    Le parti au pouvoir découpait la carte électorale à sa guise, choisissait la date de l'élection et nommait le personnel de tous les bureaux de scrutin. Tout cela lui donnait un avantage certain. Mais dans les circonscriptions où un candidat s'imposait de façon nette, les magouilles devenaient difficiles, sinon impossibles.
    Dès neuf heures, tout indiquait que Laurier l'emporterait dans Québec-Est.
    —    Dans quelle proportion? demanda le politicien à Picard, son principal organisateur.
    —    Cela se passe comme prévu : vous aurez les trois quarts des votes.
    —    Vous êtes devin.
    —Je sais combien il reste de grenouilles de bénitiers dans le comté, tout simplement. Ces gens votent comme le leur demandent les curés.
    Le chef libéral grimaça au souvenir des dernières semaines. Le clergé n'avait pas cessé de proposer des solutions impraticables à la crise scolaire du Manitoba. Comme s'il était possible de maintenir un enseignement catholique et français dans une province à majorité anglaise !
    La position de Laurier à la tête des libéraux se révélait délicate. Il pouvait demeurer le candidat défait, comme lors des deux dernières élections où il avait agi comme chef. Il préférait se montrer disposé à des compromis que même certains de ses partisans de langue française trouvaient trop généreux. Quant à Picard, la situation à Winnipeg le laissait totalement froid, du moment que les libéraux rendaient la poursuite des affaires plus facile à Québec.
    En plus des messagers recrutés par les organisateurs de chaque circonscription, affectés à chacun des bureaux de scrutin, d'autres se tenaient à l'affût dans les locaux du télégraphe du Canadien Pacifique. Laurent-Olivier David compilait dans un grand registre les chiffres que ceux-ci lui communiquaient régulièrement. Vers minuit, il vint faire rapport à son chef:
    —    Dans les Maritimes, les sièges seront partagés.
    —    C'est mieux ou pire que ce à quoi nous nous attendions ?
    —    A peine meilleur, mais ce n'est pas une surprise.
    Le chef du Parti conservateur, Charles Tupper, venait de la Nouvelle-Ecosse. La région atlantique lui resterait fidèle, avec l'espoir de profiter ensuite de la générosité du gouvernement fédéral.
    —    Nous avons l'assurance d'une large majorité des sièges au Québec, continua le journaliste.
    —    Assez pour compenser la situation en Ontario ?
    —    Probablement.
    —    Ai-je gagné ? insista Laurier.
    —    Probablement.
    La mine déçue de son chef amena l'organisateur à préciser :
    —

Weitere Kostenlose Bücher