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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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pense qu'il est grandement temps de mettre ces jeunes enfants au lit, déclara-t-elle à son employeur.
    —    Non, je veux valser encore, clama Edouard.
    —    Regarde, tous les enfants s'en vont. Puis à cinq ans, pour ton premier bal, je pense qu'il est assez tard. Si on ne se presse pas, la voiture de monsieur Grosjean va se changer en citrouille.
    —    Avec des souris pour la tirer ?
    Il présentait maintenant une mine réjouie. Bientôt, les contes de fées n'auraient plus aucun secret pour lui.
    —Je lui ai demandé d'attendre le long de l'avenue Dufferin, précisa son employeur. Quant à moi, je vais rester encore un peu.
    Elle acquiesça, le père fit la bise à ses enfants en leur souhaitant bonne nuit. A la fin, Elisabeth s'en alla en disant «Bonne soirée, Monsieur».
    Pendant une heure, Thomas Picard demeura sur les lieux, engageant la conversation avec les libéraux présents, heureux de répéter à l'infini les félicitations aux députés nouvellement élus, assurant aux candidats qui n'avaient pas eu cette chance que ce serait pour la prochaine fois. A la fin, il s'enhardit au point de demander aux épouses de quelques-uns de ses collègues de la Basse-Ville de danser avec lui. Elles acceptèrent, un peu par pitié pour le pauvre homme que la maladie privait de sa femme depuis si longtemps, beaucoup parce qu'il demeurait très séduisant.
    Même si Édouard avait demandé à rester encore un peu au Pavillon des patineurs, il demeura paresseusement dans les bras de sa préceptrice pendant tout le temps nécessaire pour trouver le fiacre de la famille Picard. Le cocher secoua sa somnolence, grommela entre ses dents quelque chose comme «Ce n'est pas trop tôt», puis fouetta son cheval dès que la porte se fut refermée sur ses passagers.
    Une demi-heure plus tard, Elisabeth aidait Edouard à quitter son habit de matelot pour revêtir une chemise de nuit légère, et le mettait au lit.
    —Je veux un autre conte, pour m'endormir, plaida-t-il.
    Du fait qu'il se trouvait déjà dans son lit, il se doutait bien que l'œuvre de Charles Perrault ne précéderait pas son sommeil. Toutefois, le gamin aimait tenter sa chance.
    — Pas ce soir. De toute façon, tu ronflerais à la première ligne. Bonne nuit.
    Un baiser sur le front accompagna ces derniers mots. Un moment plus tard, la jeune femme pénétrait dans la chambre d'Eugénie. Celle-ci avait laissé sa robe sur la chaise placée contre le mur, de même que ses bas, et elle enfilait sa chemise de nuit. Elisabeth rangea le vêtement sur un cintre avant de l'accrocher dans la garde-robe, puis vint vers le lit afin de border l'enfant.
    —    C'était un joli bal. Ton premier.
    —    Nous ne sommes pas restés longtemps.
    —Mais tu en connaîtras d'autres, beaucoup d'autres. Bonne nuit.
    Un autre baiser sur un front d'enfant fut suivi par une porte fermée doucement. Eugénie ferma les yeux, se remémora la musique, son père qui la faisait tourner. Quelques minutes plus tard, lui semblait-il - en réalité, une heure -, la porte s'ouvrit, une faible lueur vint du couloir.
    —    ... Maman? dit-elle, surprise.
    L'ombre pâle posa son index sur ses lèvres pour lui intimer le silence, ferma la porte derrière elle, vint poser les fesses sur le lit, avant de murmurer :
    —    Tu as aimé le bal ?
    —    ... Oui, beaucoup.
    Parce que sa mère ne lui avait pas rendu visite ainsi depuis une bonne année, ne quittant sa chambre que pour aller jusqu'à la salle de bain, quand elle ne préférait pas tout simplement utiliser le pot de porcelaine glissé sous le lit, la fillette demeurait interdite, se demandant si elle ne rêvait pas.
    —    Ton père a dansé avec elle ?
    —    Non, elle a dit que ce serait inconvenant.
    Les leçons de bienséance reçues depuis quelques semaines lui avaient appris le sens de ce mot.
    —    Mais il le lui a demandé.
    —    Il a dansé avec moi.
    La malade savait ce qu'elle désirait savoir, plus rien ne l'intéressait. D'un pas chancelant, l'ombre éthérée regagna la porte, sortit sans bruit. Le lendemain, Eugénie aurait l'impression d'avoir fait un mauvais rêve.
    Vers onze heures, Thomas Picard quitta le Pavillon des patineurs à son tour. Son collègue Jean-Baptiste Laliberté s'accrocha à ses pas, plaidant encore une fois pour le partage du fiacre de son voisin. Ce souci d'économie lui permettait de profiter des dernières rumeurs. La politique retenait le plus

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